Soc. 9 juill. 2015, FS-P+B , nos 14-12.779 s.

Un éditeur de magazines avait pris plusieurs mesures pour mettre fin à une grève. Parmi ces mesures, il avait accordé aux salariés grévistes des titres bouclés en temps et en heure une retenue de salaire de seulement 50 %. À l’inverse, les salariés grévistes des titres n’ayant pas été bouclés à temps avaient eu une retenue de 100 %. La plupart des magazines avaient pu être édités normalement mais l’un d’entre eux, dont la rédaction avait « massivement fait grève », n’avait pas réussi à publier son numéro à la date prévue. Dans cette situation, le problème tient au fait que, pris individuellement, les grévistes avaient participé de manière identique à la grève mais que, collectivement, une rédaction avait, plus que les autres, été impactée par le mouvement.

La cour d’appel a considéré que cette différence de traitement instituait une discrimination indirecte en raison de l’exercice normal du droit de grève. L’employeur s’est donc pourvu en cassation, considérant, d’une part, que « ne constitue pas une mesure discriminatoire en raison de l’exercice du droit de grève une mesure qui n’opère pas de distinction entre salariés grévistes et non grévistes mais seulement parmi les salariés grévistes, une telle mesure étant par hypothèse indépendante de la participation du salarié au mouvement de grève » et, d’autre part, que le critère utilisé était objectif et indépendant de sa volonté.

La Cour de cassation approuve ce moyen au motif que la cour d’appel retient « à bon droit que la mesure en cause institue une discrimination indirecte en raison de l’exercice normal du droit de grève en ce qu’elle prend en compte le degré de mobilisation des salariés, selon les services, et ses conséquences sur le fonctionnement de l’entreprise et qu’elle ne peut être justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination en raison de la grève dès lors que la parution en retard des magazines résulte des conséquences inhérentes à la cessation collective du travail ».

Cette solution met clairement en évidence la distinction classique entre le caractère individuel du droit de grève et son exercice collectif. Les conséquences de la cessation individuelle du travail pèsent sur le salarié, qui ne percevra pas son salaire pour le temps où il n’aura pas travaillé. À l’inverse, les conséquences de la cessation collective et concertée du travail pèsent sur le seul employeur.  

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