Soc. 19 mai 2015, FS-P+B, n° 13-24.887

Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) est un groupement revêtu de la personnalité juridique, qui lui confère le droit d’agir en justice devant toutes les juridictions civiles et pénales. Toutefois, qu’il s’agisse de contracter ou d’ester en justice, le CHSCT doit être représenté par l’un de ses membres présents (un ancien membre ne peut avoir cette qualité). Ce dernier est alors chargé de saisir la juridiction compétente et de doter le comité d’une représentation dans l’accomplissement des actes de procédure. Cette désignation répond à des conditions particulières : elle doit être écrite et expressément consentie par le comité, soit pour une mission spéciale, soit de façon générale. 

Dans le présent arrêt, un CHSCT avait décidé de recourir à une mesure d’expertise afin de réaliser une étude sur l’exposition des salariés aux risques psychosociaux au sein de l’établissement. Demandant l’annulation de cette délibération, la société saisissait le tribunal de grande instance territorialement compétent. Celui-ci ayant donné raison à l’employeur, le CHSCT forma un pourvoi en cassation. 

L’employeur soulève avant toute défense au fond un moyen procédural relatif à la recevabilité du pourvoi. La société fait valoir que le pouvoir de « mener toute action de représentation », donné au CHSCT dans une délibération du 26 octobre 2012 au secrétaire et secrétaire adjoint, était rédigé en termes trop généraux et ne permettait pas de connaître l’étendue de la représentation visée. Mais la Cour de cassation rejette cette argumentation en considérant que le mandat donné par le CHSCT à l’un de ses membres pour agir en justice à l’occasion d’une affaire déterminée habilite celui-ci à intenter les voies de recours contre la décision rendue sur cette action, ce qui inclut donc la saisine de la Cour de cassation. L’action en justice du CHSCT est, par conséquent, recevable. La solution peut très bien trouver à s’appliquer au mandat d’ester en justice délivré par le comité d’entreprise. C’est d’ailleurs ce qu’avait retenu la chambre sociale dans un arrêt du 10 avril 2008 (Soc. 10 avr. 2008, n° 06-45.741, Dalloz jurisprudence) en précisant que « le mandat donné par le comité d’entreprise à un de ses membres pour agir en justice pour une affaire déterminée permet à son titulaire d’intenter les voies de recours contre le jugement rendu sur son action ».

Passé cette difficulté, la Cour de cassation devait répondre au moyen unique formé par le CHSCT faisant grief à l’arrêt d’appel d’avoir annulé sa délibération du 26 octobre 2012 pour recourir à une expertise au motif que le risque grave n’était pas avéré. Il faut préciser que les situations dans lesquelles le CHSCT peut faire appel à un expert agréé sont visées à l’article L. 4614-12-1° du code du travail. Selon ces dispositions, les deux cas de recours principaux sont la constatation d’un risque grave dans l’établissement et l’existence d’un projet important modifiant l’hygiène, la sécurité ou les conditions de travail. Le risque visé n’est pas seulement le risque pour l’intégrité physique des salariés, il peut aussi résulter d’un climat délétère dans l’entreprise corroboré d’un certain nombre d’attestations. Dans l’arrêt ici rapporté, après avoir rappelé la règle selon laquelle « le CHSCT ne peut faire appel à un expert agréé que lorsqu’un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement », la Cour considère que les dysfonctionnements avérés du rayon boulangerie pâtisserie avaient été traités par le CHSCT et la direction, que les difficultés rencontrées dans deux autres rayons n’étaient que ponctuelles et ne concernaient de surcroît qu’un seul salarié qui avait été confronté à une décision de réorganisation mal comprise et que la direction avait bien pris des mesures de prévention des risques psychosociaux en sollicitant la présence d’un médecin du travail, d’une infirmière et d’un psychologue. Ainsi, elle conclut à l’absence de risque grave identifié et actuel.

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