Prop. de L., 27 févr. 2013

Le Sénat a adopté, de justesse, le 27 février 2013, une proposition de loi portant amnistie des faits commis à l’occasion de conflits sociaux.

La proposition de loi initiale, déposée par deux sénatrices du groupe communiste républicain et citoyen (CRC) et composée de six chapitres, part du constat que, dans le cadre de récents mouvements sociaux, « trop de sanctions injustes ont été infligées qui ne visaient qu’à éteindre toute velléité de contestation. C’est parfois le simple affichage ou la distribution de tracts qui donnent lieu à des menaces ou assignations judiciaires ». Estimant que l’action collective est « un droit inhérent à toute démocratie », les signataires de ce texte proposaient d’amnistier les faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales ou revendicatives ainsi qu’à l’amnistie des sanctions disciplinaires.

Si la commission des lois, qui s’est réunie le 13 février 2013, a rejeté le texte, les sénateurs l’ont, en revanche, adopté, après l’avoir fortement amendé, par une très courte majorité (174 voix contre 171). L’amnistie bénéficiera aux personnes physiques et aux personnes morales.

Ainsi, sont amnistiés de droit, lorsqu’ils ont été commis entre le 1er janvier 2007 et le 1er février 2013, les contraventions et les délits prévus au livre III du code pénal ainsi que la diffamation prévue à l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et les menaces prévues aux articles 222-17 et 222-18 du code précité à l’exception de celles proférées à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public, passibles de cinq ans et moins d’emprisonnement. Les faits doivent, pour être amnistiés, avoir été commis à l’occasion de conflits du travail ou à l’occasion d’activités syndicales ou revendicatives de salariés, d’agents publics, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics ou commis à l’occasion de mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux, relatifs aux problèmes liés au logement, y compris au cours de manifestations sur la voie publique ou dans des lieux publics (prop. de L., art. 1er). Le spectre de l’amnistie visée par le texte initial était beaucoup plus large puisque était prévue une amnistie de droit des infractions passibles de moins de dix ans d’emprisonnement commises avant le 6 mai 2012.

Sur amendement des sénateurs, sont exclues du bénéfice de l’amnistie les dégradations volontaires ayant pour conséquence de nuire au bon déroulement de travaux scientifiques ou de recherche. Cette précision ne devrait toutefois pas concerner les faucheurs de champs d’OGM.

Contestation de l’amnistie

Lorsqu’elle intervient après condamnation définitive, l’amnistie est constatée par le ministère public près la juridiction ayant prononcé la condamnation, agissant soit d’office, soit sur requête du condamné ou de ses ayants droit. La décision du ministère public peut être contestée dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article 778 du code de procédure pénale (prop. de L., art. 2).

S’agissant des sanctions disciplinaires, il est prévu que sont amnistiés les faits, commis dans les conditions précitées, constituant des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou ceux susceptibles d’être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur, par tout salarié ou agent public. Les faits commis par les étudiants ou élèves des établissements universitaires ou scolaires, ayant donné lieu ou pouvant donner lieu à des sanctions disciplinaires sont également concernés par le champ d’application. L’amnistie implique le droit à réintégration dans l’établissement universitaire ou scolaire auquel le bénéficiaire de l’amnistie appartenait, à moins que la poursuite de ses études ne l’exige pas. Toutefois, selon un amendement adopté en séance, l’amnistie n’implique pas le droit à réintégration lorsque l’intéressé a été exclu de l’établissement à la suite de faits de violence.

Réintégration des salariés licenciés

Tout salarié ou agent public licencié pour une faute, autre qu’une faute lourde constituant une atteinte à l’intégrité physique ou psychique des personnes, ont tenu à préciser les sénateurs, ayant fait l’objet d’une amnistie est, sauf cas de force majeure, réintégré dans le poste qu’il occupait avant son licenciement ou dans un poste équivalent. La demande de réintégration est présentée à l’auteur du licenciement dans un délai d’un an à compter soit de la promulgation de la présente loi, soit du prononcé de la sanction. En cas de changement d’employeur en application des articles L. 1224-1 ou L. 1224-3 du code du travail, la réintégration du salarié s’effectue chez l’employeur succédant. En cas de refus de mise en œuvre effective de la réintégration, le salarié ou l’agent peut saisir, en référé, la juridiction compétente pour la relation de travail qui délivre, en application de la présente loi, un titre exécutoire sous astreinte. Le salarié réintégré bénéficie pendant douze mois, à compter de sa réintégration effective, de la protection attachée au délégué syndical prévue aux articles L. 2411-1 à L. 2437-1 du même code.

Effets de l’amnistie

L’amnistie efface les condamnations prononcées ou éteint l’action publique en emportant les conséquences prévues par les articles 133-9 à 133-11 du code pénal, ainsi que 6 et 769 du code de procédure pénale. Elle entraîne, sans qu’elle puisse donner lieu à restitution, la remise des peines et des mesures de police et de sûreté.

Sous peine d’une amende de 5 000 € (le quintuple pour une personne morale), il est interdit à toute personne qui, dans l’exercice de ses fonctions, a connaissance de condamnations pénales, de sanctions disciplinaires ou professionnelles ou d’interdiction, déchéances et incapacités effacées par l’amnistie, d’en rappeler l’existence sous quelque forme que ce soit ou d’en laisser subsister l’existence dans un document quelconque.

L’amnistie entraîne la suppression des empreintes génétiques issues des traces biologiques recueillies dans les fichiers de police ainsi que l’ensemble des informations nominatives recueillies à l’occasion des procédures d’enquête et des procédures judiciaires dans les fichiers de police judiciaire. Selon le texte, le refus de se soumettre à des prélèvements ADN ne sera amnistié que si les faits à l’origine de ce prélèvement sont eux-mêmes amnistiés.

La proposition de loi prévoit, in fine, l’amnistie des mineurs condamnés lors des grèves de 1948 et de 1952 (art. 1er A nouv.). Sept personnes seraient concernées.

Le texte sera inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale dans le cadre d’une niche parlementaire dédiée au groupe communiste. 

Auteur : Éditions Dalloz - Tous droits réservés.