1. Qu’est ce que c’est ?

 

 A. Définition

 

La cession de créance est organisée par les articles 1321 à 1326  du Code Civil

 

La cession de créance est un contrat par lequel le créancier cédant transmet, à titre onéreux ou gratuit, tout ou partie de sa créance contre le débiteur cédé à un tiers appelé le cessionnaire.

 

Elle peut porter sur une ou plusieurs créances présentes ou futures, déterminées ou déterminables.

 

Elle s'étend aux accessoires de la créance.

 

Le consentement du débiteur n'est pas requis, à moins que la créance ait été stipulée incessible.

 

a) Droits transférés à un tiers dès sa signature à  la date de l’acte

 

C’est un contrat écrit et daté, conclu le plus souvent  entre deux personnes morales ou  deux artisans,  opérant transfert de  la titularité des droits attachés à la créance du cédant au cessionnaire d’un droit  à recevoir une somme d'argent qui si elle est intégralement payée  éteindra la dette  du débiteur de la créance ou d’une obligation de faire ou de ne pas faire à charge du débiteur de la créance qui une fois réalisée éteindra l’obligation à charge du débiteur.

 

Ce droit d’exiger que le débiteur  réalise une prestation (obligation de faire) ou s’interdise une action (obligation de ne pas faire) comme le droit à être payé sont fondés :

 

- Soit sur une facture en exécution d’un contrat de prestation de services, de fabrication, de distribution, de transformation, de maintenance etc …

 

- Soit sur un titre : reconnaissance de dettes, jugement définitif ou exécutoire de droit, acte notarié, sentence arbitrale, protocole d’accord, convention participative.

 

 

b) Limites des droits du cédant

 

Le cédant est seul apte à juger s’il cède ou non cette créance à un tiers sauf si :

 

- Le contrat qui en est la cause interdit la cession à un tiers,

 

- Le contrat prévoit au profit du débiteur cédé le droit d’y consentir préalablement à la cession ou de s’y opposer,

 

- Le contrat à exécution successive ou par sa nature  rend impossible une cession partielle ou totale  ou encore est l’accessoire d’autres contrats indissociables ou non fragmentables.

 

- L’obligation de faire ou de ne pas faire  est subordonnée à un aléa, à terme ou à date   qui rend aléatoire le principe de créance  et son montant et donc incertain le droit cédé qui n’a donc aucune des qualités requises pour faire l’objet d’une cession…

 

 

B. Portée de la cession  de créance

 

Le principe est posé que sa portée est absolue, le cédant  transfère tous ses droits à un nouveau titulaire exclusif, interlocuteur unique du débiteur de la créance.

 

a) A quelle condition ?

 

- Le respect d’un certain formalisme est requis :

 

CASS. COM., 25 MAI 2022, N° 20-16.042 Vu les articles L. 214-169 du code monétaire et financier, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, et D. 214-227, 4°, du même code : 3. Aux termes du premier de ces textes, l'acquisition ou la cession de créances par un organisme de financement s'effectue par la seule remise d'un bordereau. Il résulte du second que, si le bordereau doit comporter la désignation ou l'individualisation des créances cédées ou les éléments susceptibles d'y pourvoir, les procédés d'identification proposés par ce texte ne sont ni impératifs ni exhaustifs.

 

b) Etendue de la cession

 

La cession peut être totale ou partielle  mais elle doit être cédée avec ses accessoires c’est-à-dire  tout ce qui est utile et nécessaire pour obtenir  sa contrepartie à savoir le paiement et l’extinction de la dette  du débiteur.

 

Illustrations :

 

- Bien sûr : avec le  titre, jugement définitif ou non ( avec exécution provisoire, les voies de recouvrement demeurent ouvertes) qui en aura constaté l’exigibilité et qui aura condamné le débiteur à payer

 

- De plus fort : avec les saisies qui ont été mises en œuvre par huissier  (voies d’exécution)

 

- Mais encore: avec les garanties : nantissements sur parts sociales, sur fonds de commerce, cautions personnelles, hypothèques

 

Il va sans dire que tout acquéreur de créance n’a pas forcément ni le temps ni les moyens de mettre en œuvre ces solutions d’où le succès des sociétés d’affacturage structurées pour faire face à ces voies de mise en recouvrement, mise en œuvre des garanties et usage des voies d’exécution.

 

 

2 Le marché financier de la cession de créance

 

A. De la créance cédée au paiement de la dette par les institutionnels

 

Les institutionnels du crédit et du recouvrement  sont les sociétés d’affacturage    et  les sociétés de recouvrement  de la créance.

 

a)  Les « Factors « 

 

A travers un contrat cadre passé avec la société d’affacturage ou Factor  (réservé aux entreprises pour créances entre entreprises) l’affacturage se définit comme une mobilisation de créances et porte sur la totalité de la créance.

 

En contre partie  d’une commission pour frais de gestion, entre autres frais annexes, évaluée sur le montant de la créance cédée, le Factor  fait l’avance du montant de la créance  moins le montant de la commission, dès la création de la créance ce qui évite les délais d’attente de règlement

 

Avance sur trésorerie ou crédit court terme assimilé, cette avance simplifie grandement la gestion de votre entreprise.

 

Selon les clés de la Banque  https://www.lesclesdelabanque.com/entreprise/quest-ce-que-laffacturage-ou-factoring/  il est important de Savoir : Le factor exige souvent une assurance-crédit, sauf en l’absence de risque (si vous travaillez avec des collectivités ou des administrations par exemple). Les conditions de fonctionnement du fonds de garantie et la prise en charge des impayés par l’assurance-crédit sont définies au cas par cas, en fonction du contrat que vous signez avec le factor et/ou l’assureur-crédit.

 

 

b) Cession à une société de recouvrement et ou de titrisation

 

Quand la créance parait certaine  mais que le paiement n’est pas (spontanément) obtenu la mise en route des voies de recouvrement peut être obligatoire.

 

Il y a une multitude de combinaisons possibles.

 

Illustration

 

üPar une convention cadre, la société d’affacturage cède ses créances impayées (et ses accessoires) à une société de recouvrement qui en devient « propriétaire » et informe le débiteur de son acquisition en lui demandant de  régler la totalité du montant de la facture.

 

La société de recouvrement lance les procédures, active les garanties, procède aux saisies des comptes bancaires et se comporte comme un véritable  titulaire  de tous les droits sur  la créance cédée.

 

Le Factor peut avoir simplement délégué le recouvrement à une société de recouvrement et parallèlement cédé sa créance (théorique) à une société de titrisation

 

Car il ne faut pas négliger la valeur financière d’une dette.

 

üLa titrisation

 

Selon Éric Fimbel, Catherine Karyotis dans Management & Avenir 2011/8 (n° 48), pages 289 à 308, « La titrisation » est le » dispositif emblématique de la financiarisation irresponsable et facteur de risques sociétaux inédits »

 

 Et consiste en la –«  transformation d’un actif illiquide en un titre liquide négocié sur les marchés financiers « 

 

Cela signifie qu’à la date d’échéance, la créance n’a pas été payée et que la créance est devenue une dette  d’un tiers non recouvrée.

 

Néanmoins selon le concept elle conserve une valeur cotée à 10%, 20%, 30%  de sa valeur initiale et peut faire l’objet avec d’autres de même nature d’une vente «  aux risques et périls de l’acheteur «  à charge pour lui de la faire payer ou de la revendre  en cours de contentieux ou de vente aux enchères sur les biens garanties et sûretés cédées avec la «  créance «  .

 

 

üMais dans quel but  puisque sa valeur est notoirement dépréciée voire négative ????

 

Les organismes de titrisation sont régis par les articles L. 214-167 à L. 214-190 et R. 214-217 à D. 214-240 du code monétaire et financier et 425-1 à 425-17 du règlement général de l’AMF.

 

Madame  Lea Boluze dans Capital  sur Mise à jour du 14.10.2021 en fait un descriptif très accessible

«  La titrisation permet à une institution financière de recycler les prêts qu’elle a en portefeuille en les revendant à des investisseurs sous forme de titres financiers. » Par Léa Boluze Mis à jour le 14/10/2021 à 9h51 : capital.fr

 

L’ESMA (Autorité européenne des marchés financiers) exerce son contrôle rigoureux sur les sociétés de titrisation car leur existence même fut la cause majeure de la » crise des subprimes »  de 2008.

 

 

c)  Une ligne de financement Dailly n’est pas vraiment une cession de créance

 

Une Banque acceptant, de son client entreprise, une  remise de bordereau de créances au titre de la  Loi Dailly  ne prend pas tous les risques que le Factor supporte  par principe contractuel au titre  de sa subrogation intégrale aux droits du cédant

 

D’abord par la méthode :

 

La remise Dailly va être évaluée et soumise à l’approbation préalable du banquier.

 

Après approbation cette remise Dailly  sera intégrée dans une ligne de financement définie et plafonnée (par exemple 70 % du montant total et  la banque exigera une assurance-crédit pour les 30% restants); en synthèse l’opération est une avance de trésorerie.

 

Cette assurance- crédit  désignera la banque comme bénéficiaire en cas de créance cédée impayée. Cette assurance - crédit  peut être proposée à l’entreprise cliente cédante  par la même banque à travers ses partenaires financiers sans que l’entreprise ait à  en chercher une.   

 

Ensuite par des limitations:

 

La limitation du montant du financement en ligne de crédit bancaire a pour corollaire la limitation de l’obligation de la banque à supporter l’échec du recouvrement s’il échoue

 

Alors en cas d’échec de recouvrement, le compte de l’entreprise est redébité du montant avancé par la Banque comme il est fréquemment stipulé dans la convention Dailly conclue avec la Banque.

 

En synthèse l’opération Dailly  est une avance de trésorerie, qui se transforme en débit du compte courant à défaut de paiement par le débiteur de sa dette à la date de l’échéance

 

La banque alors  rétrocède à l’entreprise créancière sa propriété sur la créance et l’obligation de poursuivre le recouvrement pour rembourser la banque.

 

 

B. Hors du système  financier institutionnel

 

Pour finir sur une note positive, dans l’économie réelle  et la vie des entreprises interdépendantes qui ont bien compris que chaque échelon de la production interne et externe  méritent des appuis financiers parfois  non bancaires, la cession de créance est un outil tactique et stratégique dans la gestion des risques (notamment dans le secteur aéronautique et automobile) et dans tous  secteurs interdépendants entre concepteurs, propulsion, équipementiers, fournisseurs de matières premières ou micro processeurs   .

 

a) Un outil stratégique global

 

d Une société A, en relation  d’affaires avec une société B et une société C, elles-mêmes en relation d’affaires entre elles, a une dette envers la société B et une créance sur  la société C.

 

La société B peut avoir intérêt à  procéder par compensation  en se faisant payer par C la dette de C  envers A plutôt que de poursuivre en justice la société A et plutôt que d’entrer à son capital par compensation de sa créance sur A convertie en titres de participation au capital.

 

 d La société E compte 3 associés et doit procéder à une augmentation de capital mais ne veut ou ne peut pas recourir à un financement externe.

 

 L’associé 2 a fait d’importants apports en compte courants et est créancier de la société E mais d’accord pour financer par son compte courant l’augmentation de capital.

 

Alors l’augmentation de capital peut valablement être autorisée par assemblée qui votera la compensation de créance : L’associé 2 convertit en actions à son nom la dette de la société E envers lui  qui est désormais éteinte au titre du compte courant créditeur.

 

C’est une opération de compensation.

 

b) Un outil tactique de circonstance

 

d La société F est créancière de la société G pour non-paiement du prix d’une machine industrielle.

 

Sa garantie est la clause de réserve de propriété obligeant à restitution à défaut de paiement du prix que la société F ne veut pas mettre en œuvre parce que la restitution ne l’intéresse pas. 

 

Mais la société G   a un acquéreur pour cette machine prêt à lui en payer le prix exact du à la société F, acquéreur qu’elle présente à la société F

 

La société F  accepte de lui céder sa créance sur G contre le prix de cession initial et renonce à sa clause de réserve de propriété en contre partie du paiement du prix par écrit daté.

 

La cession de créance est parfaite. 

 

 

Conclusion

 

Les contrats de cession de créance  pour être valables exigent une claire détermination, évaluation et identification de la créance cédée et de ses accessoires, un vote des organes de chaque  société  concernée pour habiliter le dirigeant à y procéder.

 

De plus le coût du rachat de créance doit être en rapport  avec la surface financière du cessionnaire  et des facultés contributives du cessionnaire.

 

A défaut en cas de procédure collective future éventuelle la responsabilité du dirigeant pourrait être engagée par le mandataire judiciaire.

 

Enfin doit être impérativement précisé dans la cession par compensation  l’extinction des droits sur les cautions et coobligés, suretés et garanties souscrites et les désistements d’instance

 

Fait à Marseille le 25 octobre 2022

 

Laure TRAPÉ             

Avocat au Barreau de Marseille