Soc. 16 sept. 2015, FS-P+B, n° 13-28.415

Dès 2005, la chambre sociale a entrepris d’encadrer le champ d’application du principe d’égalité de traitement. D’abord, en s’inspirant de la jurisprudence communautaire, les juges ont écarté le principe « à travail égal, salaire égal » lorsque les salariés appartiennent à des entités distinctes. Il en a résulté que, dans la même branche d’activité, des salariés d’entreprises différentes, relevant de la même convention collective, ne peuvent prétendre à des rémunérations identiques. Cette précision de la Cour de cassation n’était pas inutile puisque, peu de temps auparavant, les juges avaient estimé qu’« au sein d’une unité économique et sociale, qui est composée de personnes juridiques distinctes, pour la détermination des droits à rémunération d’un salarié, il ne peut y avoir comparaison entre les conditions de rémunération de ce salarié et celles d’autres salariés compris dans l’unité économique et sociale que si ces conditions sont fixées par la loi, une convention ou un accord collectif commun, ainsi que dans le cas où le travail de ces salariés est accompli dans un même établissement ».

Dans sa décision du 16 septembre 2015, la chambre sociale se prononce une nouvelle fois sur les limites du champ d’application du principe d’égalité.

En 1989, le Groupe Usinor Sacilor, devenu depuis la Société Arcelormittal France, a eu la volonté d’harmoniser les dispositifs de retraite supplémentaire au sein de ses filiales. La retraite Usinor Sacilor (IRUS) profitait à tous les salariés des sociétés qui avaient un dispositif similaire ou souhaitaient y adhérer. La première condition pour qu’un salarié puisse en bénéficier était de faire partie des effectifs de l’une des sociétés adhérentes à l’IRUS à la date du 31 décembre 1989. M. X. a été engagé en 1977 par la Société Creus-Loire Métal et a exercé au sein de plusieurs sociétés du groupe, dont Arcelormittal France. Lors de son départ à la retraite en 2009, il a souhaité pouvoir bénéficier de la retraite supplémentaire, ce qui lui a été refusé au motif qu’il était salarié, au 31 décembre 1989, de la société Sprint Métal qui n’était pas une société adhérente à ce régime de retraite. Il a donc saisi la juridiction prud’homale. Comme on pouvait s’y attendre, le salarié faisait valoir que son passage successif au sein de plusieurs sociétés du groupe faisait de lui un salarié mobile au sein du groupe et qu’il devrait donc logiquement pouvoir bénéficier de la retraite supplémentaire instituée et harmonisée par un accord de groupe.

La Cour de cassation rejette cependant son pourvoi et rappelle que « le principe d’égalité de traitement n’est pas applicable entre salariés d’entreprises différentes, peu important qu’elles appartiennent au même groupe ». Il en résulte en l’espèce que la cour d’appel, qui a « constaté que la mise en place du régime de retraite IRUS avait pour objet d’harmoniser les régimes de retraite supplémentaire déjà existant au sein de certaines sociétés du groupe et de prévoir une simple faculté pour les autres sociétés du groupe d’y adhérer, […] a justement décidé que le principe d’égalité de traitement devait s’apprécier au sein de l’entreprise et non par comparaison entre salariés de diverses entreprises du même groupe, en sorte que M. X ne pouvait se comparer à des salariés se trouvant dans une situation différente puisqu’ils n’étaient pas affectés à la société Sprint Métal à la date de référence pour bénéficier du régime de retraite supplémentaire ».

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