Soc. 2 déc. 2020, n° 19-11.986

Après la perte d’un marché couvrant les départements du Gard et de la Lozère, une entreprise avait déménagé son centre de Nîmes et avait proposé aux salariés rattachés à ce centre des affectations temporaires dans d’autres régions à compter du 1er juillet 2013, dans le cadre du régime de grand déplacement prévu par la convention collective nationale des ouvriers des travaux publics du 15 décembre 1992. Plusieurs salariés, refusant cette affectation, ont saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation du contrat de travail. L’employeur a finalement conclu un accord de mobilité interne (AMI) avec les organisations syndicales représentatives le 29 juillet 2013, dispositif nouvellement créé par la loi du 14 juin 2013. Les salariés ayant refusé la mobilité prévue par cet accord ont été licenciés pour motif économique, conformément aux dispositions légales applicables, le 8 avril 2014. Ils ont saisi le juge prud’homal d’une demande subsidiaire contestant le bien-fondé de leur licenciement. Leurs prétentions sont rejetées en appel puis devant la Cour de cassation.

La haute juridiction considère ainsi que l’AMI pouvait être conclu dans le cadre de mesures collectives d’organisation courantes sans projet de réduction d’effectifs. Or la cour d’appel avait constaté que cette condition était remplie, puisque l’accord avait bien pour objectif « d’apporter des solutions pérennes d’organisation de l’entreprise confrontée à des pertes de marché sur des territoires géographiques peu actifs ». La suppression de certains postes et la réaffectation des salariés concernés sur d’autres postes ne suffisaient pas à établir qu’il existait un projet de réduction d’effectifs.

La Cour précise par ailleurs que, selon l’article 4 de la Convention n° 158 de l’OIT, directement applicable, un licenciement doit être lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service. Elle indique de surcroît qu’en vertu de son article 9.1, le tribunal compétent en matière de rupture du contrat de travail est habilité à examiner les motifs invoqués et à décider si le licenciement est justifié. Elle rappelle enfin qu’aux termes de son article 9.3, lorsque le licenciement est motivé par les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, le juge compétent doit pouvoir déterminer si le licenciement est véritablement intervenu pour ces motifs et si ces motifs étaient suffisants pour justifier le licenciement.

La législation alors en vigueur précisait simplement que le licenciement d’un salarié refusant l’application à son contrat des stipulations de l’AMI reposait sur un motif économique. Ce refus constituait à lui seul ledit motif économique. Par conséquent, les juges du fond devaient seulement apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement consécutif à ce refus au regard, d’une part, des conditions de validité de l’AMI posées par la loi et, d’autre part, des stipulations de l’article 4 de la convention n° 158 de l’OIT imposant qu’un licenciement soit justifié par l’existence des nécessités du fonctionnement de l’entreprise.

En l’espèce, l’AMI en cause était conforme aux dispositions légales alors en vigueur ; « le motif économique du licenciement était vainement discuté sur le fondement des dispositions de l’article L. 1233-3 du code du travail » et les salariés ne soutenaient pas que l’AMI n’était pas justifié par les nécessités du fonctionnement de l’entreprise. Les licenciements des salariés réfractaires reposaient donc sur une cause réelle et sérieuse.

Que faut-il dès lors retenir de cet arrêt ? Que lorsque la loi autorise le licenciement d’un salarié refusant l’application d’un accord collectif déterminé, le juge peut apprécier le caractère réel et sérieux du motif de licenciement au regard du contenu de l’accord collectif en cause. 

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