CJUE 17 mars 2016, aff. C-175/15

Une société ayant son siège aux États-Unis a conclu deux contrats avec une société roumaine. Faisant valoir une inexécution contractuelle, la société américaine saisit un juge roumain, alors que les contrats contenaient une clause attributive de juridiction donnant compétence à un tribunal américain. La société roumaine comparut devant le juge roumain, sans contester sa compétence. C’est dans ce cadre que la Cour de justice de l’Union européenne a été saisie de questions préjudicielles relatives à l’interprétation des dispositions du règlement n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, et en particulier de ses dispositions relatives aux clauses attributives de compétence et à la prorogation tacite de compétence par comparution volontaire.

A cet égard, il est utile de rappeler que l’article 23 du règlement prévoit que « si les parties, dont l’une au moins a son domicile sur le territoire d’un État membre, sont convenues d’un tribunal ou de tribunaux d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet État membre sont compétents ». L’article 24 énonce, quant à lui, qu’« outre les cas où sa compétence résulte d’autres dispositions du (…) règlement, le juge d’un État membre devant lequel le défendeur comparaît est compétent » mais que « cette règle n’est pas applicable si la comparution a pour objet de contester la compétence ou s’il existe une autre juridiction exclusivement compétente en vertu de l’article 22 ».

Au regard de ces dispositions, il était tout d’abord demandé à la Cour de justice si la compétence des juridictions de l’État membre où est situé le siège social du défendeur s’impose si celui-ci n’a pas contesté cette compétence, alors même qu’il est lié avec le demandeur par une clause attributive de compétence en faveur des juridictions d’un État tiers à l’Union.

La Cour de justice répond positivement à cette interrogation. Elle affirme, en effet, que « [dans] le cadre d’un litige portant sur l’inexécution d’une obligation contractuelle, dans lequel le requérant a saisi les juridictions de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur a son siège social, la compétence de ces juridictions est susceptible de découler de l’article 24 [du règlement Bruxelles I] lorsque le défendeur ne conteste pas leur compétence, alors même que le contrat entre ces deux parties contient une clause attributive de compétence en faveur des juridictions d’un État tiers ».

Il était par ailleurs demandé à la Cour de déterminer si le juge saisi dans les conditions qui viennent d’être décrites peut se déclarer incompétent d’office, alors même que le défendeur ne conteste pas sa compétence.

La Cour répond sans ambiguïté à cette question, en considérant que l’article 24 « s’oppose, dans le cadre d’un litige opposant des parties à un contrat qui comporte une clause attributive de compétence en faveur des juridictions d’un État tiers, à ce que la juridiction de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur a son siège social, qui a été saisie, se déclare incompétente d’office, alors même que ce défendeur ne conteste pas la compétence de cette dernière ».

On relèvera, pour finir, que l’arrêt du 17 mars 2016 a été prononcé sur le fondement du règlement Bruxelles I du 22 décembre 2000. Sa portée demeurera toutefois sous l’empire du règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, qui est applicable depuis le 10 janvier 2015. Ce nouveau texte maintient en effet, certes avec quelques apports, la possibilité d’une prorogation tacite de compétence par comparution volontaire (art. 26).

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