Com. 21 juin 2016, FS-P+B, n° 14-25.344

La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement sont interdits s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public. Le premier alinéa de l’article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, dont la substance est reprise ici, a été l’occasion de précisions jurisprudentielles nombreuses tant au plan national qu’européen, les dispositions de l’article 4 de la directive 2008/95 du 22 octobre 2008 et de l’article 8 du règlement n° 207/2009 du 26 février 2009 se rapprochant des nôtres.

Évidemment, plus la renommée de la marque antérieure est forte, plus le risque de confusion est élevé. Mais qu’en est-il lorsque la marque antérieure est dotée d’un pouvoir distinctif normal ? La question a été réglée il y a plus de dix ans par la Cour de justice de la Communauté européenne. Dans un arrêt du 6 octobre 2005 rendu à propos de la marque Thomson Life, celle-ci a en effet considéré qu’un risque de confusion peut exister dans l’esprit du public, en cas d’identité des produits ou services, lorsque le signe contesté est constitué au moyen de la juxtaposition, d’une part, de la dénomination de l’entreprise du tiers (Thomson) et, d’autre part, de la marque enregistrée, dotée d’un pouvoir distinctif normal (Life), et que celle-ci, sans créer à elle seule l’impression d’ensemble du signe composé, conserve dans ce dernier une position distinctive autonome.

C’est en se fondant sur cette jurisprudence que la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel de Paris qui avait rejeté l’opposition formée par la société américaine ECOLAB détentrice de la marque Ecolab déposée le 6 avril 2009 à la demande d’enregistrement de la marque Kairos Ecolab déposée le 23 novembre 2012 auprès de l’Institut national de la propriété intellectuelle par la société KAIROS pour des produits et services similaires. La cour d’appel avait considéré que l’apposition des deux signes n’était pas suffisante à créer un risque de confusion dans la mesure où il n’est pas établi que la marque antérieure jouit d’une renommée particulière qui permettait au terme Ecolab de conserver, dans le signe contesté, une position distinctive autonome. Tous les éléments y étaient mais la cour d’appel imposait le critère de la notoriété de la marque dans l’appréciation du risque de confusion, en contradiction avec l’interprétation de la juridiction européenne.

Puis, pour analyser la condition de position distinctive autonome et casser l’arrêt, la chambre commerciale s’est référée à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 8 mai 2014, selon lequel un élément d’un signe ne conserve pas de position autonome si cet élément forme avec le ou les autres éléments du signe, pris en son ensemble, une unité ayant un sens différent. Là encore, appuyant son analyse sur une domination du signe non reproduit, la cour d’appel avait considéré que l’attention du consommateur serait davantage portée sur le terme Kairos, jugeant les lettres d’attaque « K » et la sonorité « os » peu communes dans la langue française et fantaisistes pour les produits ou services en cause.

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