Com. 12 mai 2021, n° 18-15.153

Titulaire de la marque Libeoz pour désigner notamment des produits pharmaceutiques, la société Sogiphar avait formé opposition en 2016 à la demande d’enregistrement de la marque Libz déposée par la société Biogaran. À la suite du rejet de cette opposition par le directeur de l’INPI (Institut national de la propriété industrielle), la société Sogiphar a formé un recours contre cette décision devant la cour d’appel de Douai. Cette dernière a déclaré le recours irrecevable.

L’ancien article R. 411-21 du code de la propriété intellectuelle (en vigueur avant le 1er avr. 2020) disposait effectivement que, pour une personne morale, le recours contre une décision du directeur de l’INPI devait, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, indiquer l’organe qui la représentait légalement. Or, en l’occurrence, la société Sogiphar s’était contentée de former un recours « prise en la personne de ses représentants légaux » - mention insuffisante, selon la cour d’appel, pour identifier l’organe la représentant légalement.

Dès lors, cette affaire posait la question des règles de procédure applicables aux recours en annulation formés contre les décisions du directeur de l’INPI et, plus spécifiquement, amenait à s’interroger sur la possibilité ou non de régulariser un défaut de mention en cours d’instance. Selon l’article 126 du code de procédure civile, en effet, dans le cas où une situation donnant lieu à une fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. Cependant, selon une jurisprudence jusque-là constante, l’article R. 411-21 du code de la propriété intellectuelle était considéré comme une disposition spécifique qui excluait l’application de l’article 126. Lors d’une procédure de recours contre une décision du directeur de l’INPI, il n’y avait donc aucune possibilité de régulariser un défaut de mention en cours d’instance.

C’est sur ce point que revient la chambre commerciale, qui casse l’arrêt d’appel. Elle relève d’abord que les mentions imposées par l’ancien article R. 411-21 du code de la propriété intellectuelle, et en particulier l’obligation pour une personne morale d’indiquer l’organe qui la représente légalement, répondaient à un objectif légitime de bonne administration de la justice et de sécurité juridique.

Elle considère, en revanche, que l’impossibilité de régulariser un défaut de mention en cours d’instance n’est pas justifiée : une régularisation en cours d’instance ne porterait pas atteinte aux intérêts de la partie défenderesse et n’affecterait pas les objectifs de bonne administration de la justice et d’accès au juge. Aussi la Cour en conclut-elle que « l’article R. 411-21 du code de la propriété intellectuelle, tel qu’il a jusqu’à présent été interprété, n’assure pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé, et porte une atteinte excessive au droit d’accès au juge ». Par conséquent, il apparaît « nécessaire d’abandonner la jurisprudence précitée et d’interpréter désormais l’article R. 411-21 du code de la propriété intellectuelle en ce sens que ses dispositions ne sont pas exclusives de l’application de l’article 126 du code de procédure civile ».

La haute juridiction ouvre ainsi la possibilité d’une régularisation en cours d’instance, tout en indiquant que ce revirement de jurisprudence ne saurait ici être opposé à la société Sogiphar, dans la mesure où la jurisprudence antérieure excluait une telle possibilité.

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