Soc. 1er juin 2016, FS-P+B+I, nos 15-12.276 et 15-12.796

La mise en place, par le législateur français, du dispositif destiné à assurer une meilleure prévoyance complémentaire aux salariés s’était notamment traduite par l’instauration des clauses de désignation (CSS, art. L. 912-1). Ces dernières consistaient, pour les partenaires sociaux, à choisir par la voie conventionnelle un organisme assureur auquel les entreprises entrant dans le champ d’application de l’accord avaient l’obligation de recourir pour le risque en cause. Dans une décision du 13 juin 2013 rendue à l’occasion du renforcement du dispositif (loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l’emploi), le Conseil constitutionnel censura le système, en raison de l’atteinte portée à la liberté d’entreprendre et à la liberté contractuelle, en invalidant l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale (en résulteront les simples clauses de recommandation).

En effet, il en résultait pour l’entreprise l’obligation de s’engager avec l’organisme de prévoyance désigné par un contrat négocié au niveau de la branche et au contenu totalement prédéfini, ce quand bien même elle disposait déjà d’un contrat conclu avec un autre organisme. Le Conseil constitutionnel nuança la portée de sa décision, prenant effet à sa publication, en précisant que sa déclaration d’inconstitutionnalité de l’article L. 912-1 du code de la sécurité sociale n’était « pas applicable aux contrats pris sur ce fondement, en cours lors de cette publication, et liant les entreprises à celles qui sont régies par le code des assurances, aux institutions relevant du titre III du code de la sécurité sociale et aux mutuelles relevant du code de la mutualité ». La formule retenue suscita une interrogation quant à sa portée, notamment sur l’expression « contrats en cours ». Fallait-il en déduire que les conventions collectives comprenant une clause de désignation restaient valables et obligatoires si elles avaient été conclues avant cette publication ou alors que seuls les contrats d’assurance antérieurs étaient sécurisés ? Les « contrats en cours » visés par le Conseil constitutionnel sont-ils les conventions collectives obligeant à l’affiliation ou les contrats conclus entre les entreprises et l’organisme assureur en application de la convention collective ?

En l’espèce, il était question de l’accord national du 8 décembre 2011 relatif au régime de prévoyance des cadres et assimilés des pharmacies d’officine. Cet accord, étendu en décembre 2012, désigne, en application de l’article L. 912-1 précité, un organisme chargé d’assurer le régime de prévoyance des salariés et mentionne l’obligation pour les pharmacies d’officine d’y adhérer. Certaines pharmacies n’ayant pas respecté cette obligation lorsque le Conseil constitutionnel s’est prononcé, il convient de s’interroger sur l’effet de la décision de celui-ci quant à la possibilité de les y contraindre. La cour d’appel, invoquant la position du Conseil, s’y oppose.

La Cour de cassation rejette cette position, en reprenant mot pour mot l’interprétation de la décision constitutionnelle quant à la notion de « contrat en cours » susvisée, qu’elle a déjà exprimée au début de l’année 2015. Pour la chambre sociale, « les contrats en cours sont les actes ayant le caractère de conventions ou d’accords collectifs ayant procédé à la désignation d’organismes assureurs pour les besoins du fonctionnement des dispositifs de mutualisation que les partenaires sociaux ont entendu mettre en place, voire les actes contractuels signés par eux avec les organismes assureurs en vue de lier ces derniers et de préciser les stipulations du texte conventionnel de branche et ses modalités de mise en œuvre effective ».

L’interprétation qu’il convient de retenir de la notion de « contrats en cours » est donc claire pour la Cour de cassation. Il s’agit des conventions et accords collectifs mettant en place la clause de désignation et non des contrats d’adhésion des entreprises relevant de leur champ d’application. Par conséquent, dès lors que l’accord collectif désignant l’organisme de prévoyance était en cours lorsque le Conseil constitutionnel a rendu sa décision, l’obligation d’adhésion au régime dépendant de l’organisme choisi pour tous les employeurs demeure, puisque ces accords collectifs ont été sécurisés par cette décision.

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