Soc. 8 juin 2016, FP-P+B+R+I, n° 15-11.324

Par trois décisions du 27 janvier 2015, la chambre sociale a considérablement bouleversé sa jurisprudence portant sur l’appréciation des différences de traitement introduite par des conventions collectives catégorielles. En effet, elle a mis un terme à une jurisprudence introduite en 2008 et confirmée en 2009, selon laquelle « la seule différence de catégorie professionnelle ne saurait en elle-même justifier, pour l’attribution d’un avantage, une différence de traitement entre les salariés placés dans une situation identique au regard dudit avantage, cette différence devant reposer sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler concrètement la réalité et la pertinence ».

Depuis le 25 janvier 2015 donc, la Cour a sécurisé les conventions collectives catégorielles en considérant que « les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ». L’arrêt du 8 juin 2016 vient confirmer ce revirement et élargit la solution aux conventions et accords collectifs introduisant des différences de traitement entre des salariés d’une même catégorie professionnelle mais exerçant des fonctions différentes.

En l’espèce, deux conventions collectives du Crédit agricole prévoyaient que les chefs d’agence, qui relèvent de la catégorie des cadres, et les cadres de direction, qui appartiennent à la catégorie des cadres dirigeants, perçoivent une indemnité de logement. 732 salariés de la caisse, appartenant à la catégorie des cadres et des employés, ont saisi la juridiction prud’homale de demandes au titre de la prime de résidence et de l’indemnité de logement.

C’est ainsi l’occasion pour la Cour de cassation de préciser sa jurisprudence de 2015, en considérant que « les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d’une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d’accord collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ».

La solution semble logique au regard de l’objectif poursuivi par la chambre sociale qui semble être de redonner aux partenaires sociaux une certaine marge de manœuvre dans la négociation d’avantages accordés aux salariés. La cour d’appel avait ici constaté que « l’indemnité de logement avait pour objectif de prendre en compte les spécificités de la fonction de chef d’agence et de cadre de direction, ce dont il résultait qu’elle n’était pas étrangère à des considérations professionnelles ». En conséquence, la cour d’appel a légalement justifié ses décisions.

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