Soc. 13 nov. 2014, FS-P+B, n° 12-20.069

En l’espèce, un salarié présent dans l’entreprise depuis plus de vingt ans a vu son employeur embaucher un ingénieur fraîchement diplômé pour effectuer le même travail que lui. Dès son embauche, l’ingénieur a reçu une rémunération 20 % supérieure à la sienne. Il a donc saisi la juridiction prud’homale pour obtenir des dommages et intérêts pour inégalité de traitement.

Afin de démontrer l’absence d’inégalité de traitement, l’employeur fait état des difficultés de recrutement existantes au moment de l’embauche de l’ingénieur (dont on sait qu’elles peuvent être une justification), des qualités professionnelles et de la différence de qualité de travail de ce dernier (justification également admise par la jurisprudence). Il conteste l’appréciation de la cour d’appel qui avait noté que les résultats de l’ingénieur étaient, pendant ses deux premières années d’exercice au sein de l’entreprise, moins bons que ceux du salarié plus ancien. Il estime que la meilleure rémunération de l’ingénieur était justifiée dès l’embauche puisque dans les deux ans ses résultats sont devenus bien meilleurs.

Sur ce premier point, la Cour de cassation estime que « si les qualités professionnelles ou la différence de qualité de travail peuvent constituer des motifs objectifs justifiant une différence de traitement entre deux salariés occupant le même emploi, de tels éléments susceptibles de justifier des augmentations de salaires plus importantes ou une progression plus rapide dans la grille indiciaire, pour le salarié plus méritant, ne peuvent justifier une différence de traitement lors de son embauche, à un moment où l’employeur n’a pas encore pu apprécier les qualités professionnelles ». Elle valide donc, par un contrôle lourd, la solution de la cour d’appel « qui pour la période postérieure à l’année 2006, a tenu compte des résultats de l’intéressé moins satisfaisants que ceux de son collègue, pour limiter son évolution indiciaire, et en a exactement déduit […] que l’employeur ne justifiait d’aucune raison objective et pertinente pouvant légitimer la différence de salaire instaurée au préjudice du salarié lorsqu’il avait été procédé au recrutement de son collègue ».

Ainsi, l’employeur ne saurait préjuger des meilleures qualités professionnelles d’un salarié diplômé sur celles d’un salarié non diplômé mais très expérimenté. Ce n’est qu’une fois les qualités professionnelles révélées dans l’accomplissement du travail que l’employeur pourra gratifier ce salarié d’une meilleure rémunération. L’arrêt est donc intéressant puisque, jusqu’ici, seule la différence de diplômes avait fait l’objet d’une application du principe d’égalité de traitement et non la compensation d’une absence de diplôme par une longue expérience professionnelle. Alors que l’absence d’un diplôme requis par une convention collective peut justifier une différence de traitement entre des salariés effectuant un travail identique, le juge refuse que l’expérience professionnelle ne puisse compenser l’absence de diplôme, ne serait-ce que temporairement.

Ensuite, l’employeur faisait valoir que le diplôme d’ingénieur « étant en principe exigé » pour exercer les fonctions de responsable zone et marketing, son utilité était démontrée ainsi que la différence de rémunération qui en résultait. Ce sur quoi la chambre sociale considère à l’inverse que « la seule différence de diplômes, ne permet pas de fonder une différence de rémunération entre des salariés qui exercent les mêmes fonctions, sauf s’il est démontré par des justifications, dont il appartient au juge de contrôler la réalité et la pertinence, que la possession d’un diplôme spécifique atteste de connaissances particulières utiles à l’exercice de la fonction occupée ».

Or, en l’espèce, non seulement « le poste occupé par les salariés exigeait principalement des compétences en matière commerciale » mais en plus « le salarié pouvait se prévaloir d’une connaissance approfondie des matériels vendus par l’entreprise, tandis que son collègue [ingénieur] ne justifiait, au moment de son embauche en 2004, que d’une faible expérience en la matière ».

La cour d’appel pouvait donc en déduire que « l’expérience acquise pendant plus de vingt ans par le salarié au sein de la société compensait très largement la différence de niveau de diplôme invoquée et que la détention du diplôme d’ingénieur, dont il n’était pas démontré qu’il était utile à l’exercice de la fonction occupée par les salariés, n’était pas de nature à justifier la disparité de traitement litigieuse ». 

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