Soc. 5 nov. 2014, FS-P+B, n° 13-14.077

L’avantage individuel acquis est celui qui procure au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficie à titre personnel. En substance, l’avantage individuel acquis doit être défini en deux temps. C’est un avantage individuel lorsqu’il procure, au jour de la dénonciation ou de la mise en cause, une rémunération ou un droit dont le salarié bénéficiait à titre personnel. Il est, en outre, acquis lorsqu’il correspond à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel. Ce faisant, l’avantage individuel acquis s’intègre au contrat de travail, de sorte que, par l’effet du mécanisme légal prévu pour qu’en cas d’échec de la négociation postérieure à la dénonciation ou à la mise en cause, un statut minimum soit garanti. Cette définition permet de distinguer les avantages individuels acquis des avantages collectifs. Toutefois, cette distinction n’est pas aisée lorsque les avantages portant sur les conditions de travail ou l’organisation collective du travail produisent des avantages individuels. Il en est ainsi de la rémunération des temps de pause dans la mesure où ils procurent un bénéfice personnel mais ont également une portée sur l’organisation collective du temps de travail. Par l’arrêt du 5 novembre 2014, la Cour de cassation répond à cette problématique.

Les faits de l’espèce sont classiques. Était en cause un accord collectif sur l’aménagement du travail dans l’entreprise. Cet accord avait été dénoncé à la suite de la mise en œuvre de la Loi dite « Aubry I » du 13 juin 1998 sur les trente-cinq heures sans qu’aucun accord de substitution n’ait été conclu. En application de cet accord, les salariés étaient rémunérés sur une base de trente-cinq heures pour trente-deux heures et trente minutes de travail effectif et deux heures et trente minutes de pause. Dès lors, en l’absence d’accord de substitution, les salariés ont, à l’expiration du délai de survie, continué à être rémunérés sur une base de trente-cinq heures, mais pour trente-cinq heures de travail effectif. Or, selon les salariés, en l’absence d’accord de substitution, l’employeur ne pouvait mettre un terme unilatéralement à la rémunération du temps de pause journalier. Les salariés revendiquaient ainsi le bénéfice d’un avantage individuel acquis incorporé au contrat de travail.

La cour d’appel de Rennes a rejeté leurs demandes au motif que le maintien de la rémunération de ces temps au profit des seuls salariés faisant partie des effectifs au jour de la dénonciation de l’accord était incompatible avec la nouvelle organisation du temps de travail dans les deux entreprises concernées. Dès lors, pour les juges du fond, le caractère indivisible de l’accord dénoncé empêchait sa qualification d’avantage individuel acquis. Cette position de la cour d’appel s’inspire d’un arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 juin 2011. La Haute juridiction y avait considéré que « constitue un avantage collectif et non un avantage individuel acquis celui dont le maintien est incompatible avec le respect par l’ensemble des salariés concernés de l’organisation collective du temps de travail qui leur est désormais applicable. Encourt en conséquence la cassation l’arrêt qui, pour décider que le bénéfice d’une pause de quarante-cinq minutes considérée comme du temps de travail effectif doit être maintenu aux salariés de l’entreprise cédante, en l’absence d’un accord de substitution, dit qu’il s’agit d’un avantage individuel acquis, alors qu’il résultait de ses propres constatations que le maintien de cet avantage était incompatible avec le respect par les salariés concernés de l’organisation collective du travail qui leur était applicable, puisque cela conduisait à travailler quarante-cinq minutes de moins que le travail fixé ».

La Cour de cassation ne retient pas ici cette position et censure l’arrêt d’appel. Au visa des articles L. 2261-10 et L. 2261-13 du code du travail, elle considère que le maintien de la rémunération du temps de pause constituait pour chacun des salariés faisant partie des effectifs au jour de la dénonciation, non suivie d’un accord de substitution, un avantage individuel acquis. Faut-il y voir un revirement de jurisprudence? On peut en douter. Le litige reposait ici sur la rémunération des temps de pause, c’est-à-dire un avantage à caractère salarial et donc individuel. Or, dans l’arrêt de 2011, était en cause le temps de pause qui n’a effectivement pas le même objet que le maintien de la rémunération. D’ailleurs, dans un arrêt du 16 septembre 2008, la Cour de cassation avait jugé que l’avantage salarial consistant en la rémunération des temps de pause constitue un avantage individuel acquis. 

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