Com. 18 nov. 2014, F-P+B, n° 13-23.194

Il est ici question d’un laboratoire d’analyses – l’expéditeur – qui a confié à un transporteur l’expédition d’un dossier d’appel d’offres à destination d’un établissement public. Le bordereau de remise à l’expéditeur stipulait une date impérative de livraison au 12 juillet 2010. Ayant été informé du rejet de son dossier parvenu à l’établissement public après la clôture de l’appel d’offres, l’expéditeur a assigné en dommages-intérêts le transporteur, lequel s’est prévalu de la limitation d’indemnisation du contrat type général approuvé par le décret n° 99-269 du 6 avril 1999. Précisons que, selon l’article 21 de ce contrat type, pour les envois inférieurs à trois tonnes, l’indemnité pour pertes et avaries est plafonnée à 750 € par colis. L’expéditeur obtient gain de cause devant les juges du fond. La cour d’appel de Rennes condamne, en effet, le transporteur à payer à l’expéditeur la somme de 150 000 € à titre de dommages-intérêts, sous prétexte que le transporteur, en ne prenant aucune initiative pour acheminer le pli à sa destination, a manqué gravement à son obligation contractuelle, alors qu’il savait, dans la journée du 12 juillet, ne pouvoir y parvenir. En d’autres termes, elle a écarté l’application de la limitation d’indemnisation prévue par le contrat type applicable.

La Cour a donc estimé que le transporteur a commis une faute lourde ou plus exactement, désormais, une faute inexcusable. La loi du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports a, en effet, substitué la seconde à la première comme la faute équipollente au dol dont la commission est seule à même de tenir en échec la limitation d’indemnisation prévue par le contrat type applicable à disposition de convention contraire – (C. com., art. L. 133-8 nouv. réd. ; L. n° 2009-1503, 8 déc. 2009, art. 34-II). Il s’agit même, à notre connaissance, du premier arrêt rendu par la juridiction suprême à se prononcer sur cette notion de faute inexcusable du transporteur terrestre. Cette modification terminologique avait d’ailleurs été saluée par la doctrine, notamment en ce qu’elle ouvre à un alignement du droit des transports terrestres – routier et fluvial – sur les droits aérien et maritime, et de notre droit sur certains étrangers, ce qui permettra d’harmoniser le traitement des contentieux.

En réalité, la différence entre faute lourde et faute inexcusable est ténue, même s’il semble que la faute inexcusable soit moins facile à retenir pour les juges du fond que la faute lourde. L’arrêt du 18 novembre 2014 semble confirmer cette analyse et traduit, de la part de la Cour de cassation, une approche très rigoureuse de la faute inexcusable. L’arrêt d’appel est, en effet, cassé pour défaut de base légale au regard à la fois de l’article 1150 du code civil et de l’article précité, les motifs retenus par les juges du fond étant, selon la Haute juridiction, impropres à caractériser « la faute inexcusable du transporteur, laquelle est une faute délibérée impliquant la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable ». Il semble, précisément, que l’on soit ici davantage en présence d’une faute de négligence, quoique consciente.

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