Civ. 1re, 6 avr. 2016, FS-P+B, n° 15-12.881

Un dirigeant de société est poursuivi du chef de tromperie sur la nature et les qualités substantielles de marchandises, car il a vendu un échographe sans indiquer de façon explicite qu’il s’agissait d’un matériel d’occasion. Il est relaxé par un jugement correctionnel, devenu définitif, au motif que les faits n’étaient pas établis.

Par la suite, la société est assignée par l’acheteur en réparation d’un défaut de conformité de l’appareil aux caractéristiques convenues. Elle soulève alors une fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil. Toutefois, la demande indemnitaire pour défaut de conformité est déclarée recevable.

Devant la Cour de cassation, la société fait valoir que puisqu’il résulte du jugement correctionnel qu’il n’est pas établi qu’elle a vendu à l’acquéreur un échographe sans indiquer de façon explicite qu’il s’agissait de matériel d’occasion, il fallait retenir que l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil conduisait à rendre irrecevable la demande indemnitaire pour non-conformité de la chose délivrée.

L’arrêt de la première chambre civile du 6 avril 2016 écarte cette approche, aux termes d’un attendu de principe qui semble être énoncé pour la première fois : « L’autorité de la chose jugée attachée à une relaxe du chef de tromperie sur les qualités substantielles ne constitue pas un obstacle à l’exercice, devant le juge civil, d’une action indemnitaire fondée sur la non-conformité de la chose délivrée, faute contractuelle qui, procédant d’une obligation de résultat, diffère de la faute pénale en ce que, hors toute absence de dissimulation fautive du vendeur, elle est fondée sur la délivrance d’une chose qui n’est pas conforme à celle commandée, au sens de l’article 1604 du code civil ».

Il faut en effet rappeler qu’aux termes de la jurisprudence, « l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne s’étend qu’a ce qui a été nécessairement jugé quant à l’existence du fait qui forme la base commune de l’action civile et de l’action pénale, à sa qualification et à la culpabilité ou à l’innocence de celui à qui ce fait est imputé ». On en déduit par exemple qu’une décision de relaxe motivée par l’absence d’intention frauduleuse n’interdit pas la victime de saisir une juridiction civile d’une demande fondée sur une autre cause, de sorte qu’il est possible d’envisager une action en répétition de l’indu en matière civile même si la personne en cause a été préalablement relaxée du chef d’escroquerie, en l’absence de preuve de son intention frauduleuse.

En l’espèce, du point de vue pénal, les poursuites avaient été engagées en application de l’article L. 213-1 du code de la consommation, selon lequel sera puni d’un emprisonnement de deux ans au plus et d’une amende de 300 000 € quiconque, qu’il soit ou non partie au contrat, aura trompé le contractant, notamment, sur la nature, l’espèce, l’origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises. Du point de vue civil, l’action indemnitaire reposait sur le défaut de conformité de la chose vendue. Or, si le délit de tromperie suppose que soit caractérisé un élément intentionnel, le défaut de conformité résulte simplement de l’absence de conformité de la chose aux stipulations contractuelles, sans qu’il soit recherché un élément intentionnel.

Dans ces conditions, l’approche retenue par l’arrêt se justifie pleinement. Il est à noter que dans un souci pédagogique, la Cour de cassation précise – sans les contredire – que les juges du fond ont énoncé que la relaxe du chef de tromperie faisait obstacle à ce que l’acquéreur puisse, devant les juridictions civiles, invoquer un dol ayant vicié son consentement. L’élément intentionnel est alors, en effet, présent dans les deux situations.

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