Civ. 2e, 27 nov. 2014, F-P+B, n° 13-27.417

Sous l’empire de la loi du 21 août 2003, l’article L. 351-4 du code de la sécurité sociale instituait au bénéfice des femmes assurées sociales une majoration de leur durée d’assurance d’un trimestre pour toute l’année durant laquelle elles ont élevé un enfant, dans la limite de huit trimestres par enfant. Toutefois, par l’effet du principe de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes, visé par la directive CE n° 79/7 du 19 décembre 1978, la Cour de cassation a fait évoluer sa position en considérant « qu’il n’existe aucun motif de faire une discrimination entre une femme qui n’a pas interrompu sa carrière pour élever ses enfants et un homme qui apporte la preuve qu’il a élevé seul un enfant ». C’est ainsi que le législateur a pris acte de cette évolution en revoyant le dispositif d’attribution de la majoration pour enfant par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, n° 2009-1646, du 24 décembre 2009. L’article 65-IX de cette loi prévoit un régime transitoire selon lequel pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, la majoration d’assurance pour éducation est attribuée à la mère, sauf si, dans le délai qu’il détermine, le père apporte la preuve qu’il a élevé seul les enfants au cours de leurs quatre premières années. 

Ce même article opère une distinction selon que l’enfant est né ou a été adopté depuis le 1er janvier 2010 ou avant cette date. Pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2010, la majoration au titre de l’éducation est accordée à la mère, sauf si le père a prouvé qu’il a élevé seul l’enfant pendant une ou plusieurs années au cours de ses quatre premières années ou des quatre années suivant son adoption. Dans cette hypothèse, le père aura droit à un trimestre par an. Cet article précise aussi que si l’enfant est né ou a été adopté avant le 1er juillet 2006, le père avait jusqu’au 26 décembre 2010 pour apporter cette preuve. En revanche, pour les enfants nés ou adoptés après le 1er juillet 2006, le délai était de quatre ans et six mois à compter de la naissance ou de l’adoption.

En l’espèce, un père a déposé, le 7 octobre 2009, une demande de retraite avec effet au 1er octobre 2010 auprès d’un organisme du régime social des indépendants qui a ensuite été transmise à la caisse d’assurance retraite et de la santé au travail territorialement compétente. La caisse rejetait sa demande en estimant qu’il ne pouvait bénéficier de la majoration de la durée d’assurance pour l’éducation de ses trois enfants, nés respectivement en 1978, 1981 et 1988, qu’il avait élevés seul depuis le décès de leur mère. La caisse faisait le constat qu’à cette date, l’intéressé ne totalisait que 155 trimestres cotisés au lieu du minimum de 162 requis pour bénéficier d’une pension à taux plein, minimum qui n’avait été atteint qu’après paiement par le père, le 30 novembre 2010, de la somme de 22 435 €. Par suite, la Carsat avait fixé la date d’effet de sa pension de retraite au premier jour du mois suivant. L’intéressé contestait cette décision devant les tribunaux.

Conformément à une ligne jurisprudentielle bien établie, la Cour de cassation a rendu une décision défavorable au père. Dans un premier temps, elle rappelle que l’article 65 IX de la loi du 24 décembre 2009 « repose sur des critères objectifs et rationnels, tenant à la prise en compte des inégalités de fait dont les femmes ont jusqu’à présent été l’objet ». Elle retient en conséquence que « la différence de traitement, de caractère transitoire, ne constitue pas une discrimination au sens de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la Convention ». La Cour valide ainsi l’arrêt d’appel qui avait retenu, d’une part, que le père de famille ne pouvait pas bénéficier des dispositions prévues au II de l’article L. 351-4 du code de la sécurité sociale, ses trois enfants étant nés avant le 1er janvier 2010 ; d’autre part, qu’il ne remplissait pas la condition exigée par l’article 65 IX dont il relève, à savoir avoir élevé ses trois enfants pendant une ou plusieurs années au cours de leurs quatre premières années.

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