Soc. 8 juin 2016, FP-P+B+R+I, n ° 15-17.555

Selon l’article L. 1231-1 du code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié, ou d’un commun accord. Instaurée par la loi n° 2008-586 du 25 juin 2008 sur la modernisation du marché du travail, la rupture conventionnelle prévoit la rupture d’un commun accord entre l’employeur ou le salarié (C. trav., art. L. 1237-11). Cette dernière résulte de la conclusion d’une convention, par l’employeur et le salarié, et est soumise à une procédure particulière devant garantir la liberté du consentement des parties. Dans un arrêt du 15 octobre 2014, la Cour de cassation a déduit de ces deux textes que « sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par le second relatif à la rupture conventionnelle ». La rupture amiable sur le fondement du droit commun (C. civ., art. 1134 [dont les dispositions qui nous intéressent seront reprises dans le futur art. 1193, issu de l’ord. du 10 févr. 2016 portant réforme du droit des obligations]) semblait ainsi exclue. Si cet énoncé permettait toutefois d’écarter la rupture conventionnelle lorsqu’un texte légal le prévoyait (V. not. la rupture d’un commun accord d’un CDD, C. trav., art. L. 1243-1 ; la rupture résultant d’un accord GPEC ou d’un plan de sauvegarde de l’emploi, C. trav., art. L. 1237-16), l’interrogation restait ouverte pour des situations particulières telles que la mobilité intragroupe d’un salarié. Avant la loi de 2008, la Cour de cassation avait, en effet, jugé que la rupture prévue par une convention tripartite visant à la mobilité intragroupe constituait une rupture amiable et non un licenciement.

L’arrêt du 8 juin 2016 apporte une réponse à cette interrogation. En l’espèce, la salariée d’une filiale d’un groupe avait conclu une convention tripartite avec son employeur et une autre filiale du groupe. Cette dernière prévoyait la fin de son contrat de travail avec la première filiale et la conclusion d’un nouveau contrat avec la seconde filiale et stipulait la reprise de son ancienneté, l’absence de période d’essai dans le nouveau contrat ainsi qu’une classification supérieure. Après avoir été licenciée, quelque mois plus tard, par son nouvel employeur, la salariée a saisi la juridiction prud’homale. Selon la cour d’appel, la rupture avec l’ancien employeur s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse dès lors que la rupture d’un commun accord n’avait pas été faite sous la forme d’une rupture conventionnelle.

La Cour de cassation censure cet arrêt au visa des articles L. 1231-1 et L. 1237-11 du code du travail, ensemble l’article 1134 du code civil, consacrant par là même une exception au principe posé par l’arrêt de 2014. Selon elle, les dispositions relatives à la rupture conventionnelle entre un salarié et son employeur « ne sont pas applicables à une convention tripartite conclue entre un salarié et deux employeurs successifs ayant pour objet d’organiser, non pas la rupture, mais la poursuite du contrat de travail ». La Cour de cassation entend ainsi exclure du champ de la rupture conventionnelle les conventions dont l’objet ne serait pas la rupture du contrat. Elle distingue donc deux hypothèses : soit la convention a pour objet d’organiser la rupture et doit alors respecter les dispositions relatives à la rupture conventionnelle, soit la convention a pour objet principal la poursuite du contrat et les dispositions relatives à la rupture conventionnelle sont alors exclues.

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