Soc. 11 juill. 2012, FS-P+B, n° 10-15.905

Le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration ne peut prétendre au paiement d’indemnités de rupture. Les indemnités versées à ce titre doivent être déduites du montant des indemnités de préavis et de licenciement dues postérieurement en raison de la résiliation judiciaire du contrat de travail.

L’annulation du licenciement a pour principal effet de donner le droit au salarié d’obtenir sa réintégration dans son emploi. Mais le salarié reste libre d’en faire la demande et peut, nonobstant l’illicéité de la rupture, souhaiter maintenir celle-ci. Dans ce cas, le salarié, dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration, a droit, outre la réparation de l’intégralité du préjudice subi du fait du caractère illicite du licenciement, aux indemnités de rupture. La solution est générale et s’applique à toute hypothèse de nullité, que le licenciement ait été prononcé en raison de l’état de santé du salarié, en violation du statut protecteur attaché à l’exercice d’un mandat représentatif, en raison de la maternité ou consécutivement à un plan de sauvegarde de l’emploi lui-même frappé de nullité. Une lecture a contrario pouvait laisser entendre qu’à défaut de demande de réintégration, le salarié n’était pas en mesure de se voir octroyer ces indemnités de rupture. Mis à part un arrêt non publié au Bulletin (Soc. 28 avr. 2006, n° 03-45.912, Dalloz jurisprudence) et malgré les arrêts rendus dans quasiment tous les cas de nullité, cela n’a pourtant fait l’objet d’aucune formulation de principe.

Le présent arrêt comble cette lacune. La Cour de cassation y affirme que le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration ne peut prétendre au paiement d’indemnités de rupture. En l’espèce, après que son licenciement eut été annulé et sa réintégration ordonnée, un salarié saisit une nouvelle fois le conseil de prud’hommes d’une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail puisque l’employeur refusait de lui fournir du travail. Il exigeait, entre autre, que cette résiliation produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que lui soit notamment octroyé l’ensemble des indemnités attachées à cette rupture. La Cour, tirant parti du principe ci-dessus énoncé, y oppose un refus. Elle considère que les indemnités versées au titre du licenciement, par la suite annulé, doivent être déduites du montant des indemnités de préavis et de licenciement dues postérieurement en raison de la résiliation judiciaire du contrat de travail. Rien de plus logique. Dès lors que la réintégration est demandée, la nullité du licenciement produit ses pleins effets, entraînant la disparition rétroactive non seulement de la rupture elle-même mais encore de toutes les conséquences qui en découlent, dont l’octroi des indemnités de rupture. Cela revient à dire que, la rupture n’étant jamais intervenue, les indemnités n’auraient jamais dû être payées. Si l’employeur est, plus tard, condamné à verser, à l’occasion d’une autre rupture du contrat de travail, de nouvelles indemnités de rupture ayant le même objet, ces dernières ne peuvent alors totalement se cumuler avec celles payées précédemment.

Dans son principe, l’arrêt doit donc être approuvé. Cependant, les fondements proposés sont discutables dans la mesure où ils ne permettent pas de justifier l’ensemble de la solution. La nullité du licenciement, parce qu’elle entraîne la destruction rétroactive de la rupture et de toutes ses conséquences, oblige les parties à restituer ce qu’elles ont perçu à l’occasion de la rupture. Le salarié doit donc restituer, lorsqu’il obtient la réintégration qu’il a demandée, les indemnités de rupture. Or, la restitution relève des règles propres à la nullité et non de celles de la répétition de l’indu. Elle dispose donc d’un fondement autonome qui est celui-là même qui justifie le prononcé de la nullité. En l’espèce, le licenciement a été annulé car il caractérisait une discrimination en raison de l’état de santé de la salariée. Nullité et restitution trouvaient donc leur fondement dans les articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail. Rien, en revanche, sur la déduction faite sur le montant des indemnités allouées consécutivement à la résiliation judiciaire du contrat de travail. Peut-être aurait-il fallu se tourner vers la compensation. La nullité du licenciement donnant lieu à restitution des indemnités de rupture en cas de réintégration, le salarié était débiteur du montant de ces indemnités à l’égard de l’employeur. Celui-ci ayant été condamné, par la suite, au paiement de nouvelles indemnités de rupture, il était lui-même débiteur à l’égard du même salarié. En présence de deux personnes, simultanément débitrices et créancières l’une envers l’autre, leurs dettes, fongibles, liquides et exigibles, devraient s’éteindre à concurrence de celle dont le montant est le plus faible. Le visa aurait donc dû comporter les dispositions des articles 1289 et 1290 du code civil.

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