Reims, 24 oct. 2012, n° 11/01249

Une nouvelle décision du fond a été prononcée, à l’occasion d’un conflit entre un apprenti et son employeur, en faveur du caractère public des messages postés sur le réseau social facebook. La motivation de l’arrêt reste toutefois elliptique.

La propriétaire d’un salon de coiffure s’est estimée victime de propos insultants et vexatoires tenus par l’un de ses salariés, en contrat d’apprentissage, sur le site Facebook et a sollicité des dommages et intérêts. La cour, pour condamner le salarié à la somme de cinq cents euros, relève que « la teneur des propos tenus par [le salarié] sur ce réseau social […] sont manifestement insultants ; que lui-même en a tenus et qu’il s’est prêté sans réserve aux commentaires pour le moins désobligeants de ses correspondants ».

En la matière, deux conceptions s’opposent.

Facebook, espace public ou privé ?

Pour les uns, Facebook ne serait qu’un site comme un autre, voire un forum, où chaque internaute pourrait librement poster des messages au vu et au su de tous. En somme, un espace public, lequel exclut, par définition, la notion de correspondance privée. D’autres partent du postulat selon lequel Facebook « doit être nécessairement considéré, au regard de sa finalité et de son organisation, comme un espace public » et, dès lors, qu’il appartient à chacun de s’assurer « préalablement auprès de son interlocuteur qu’il a limité l’accès » avant de poster un message sur le « mur » du correspondant (Besançon, ch. soc., 15 nov. 2011, RG n° 10/02642).

La cour d’appel de Reims, déjà elle, s’était prononcée, en 2010, dans une autre affaire impliquant un utilisateur Facebook mais avait tenté, à l’époque, de faire œuvre de pédagogie en encourageant les utilisateurs de la plate-forme à utiliser la boîte email individuelle, à défaut de quoi il ne saurait y avoir une quelconque « violation de la correspondance privée » (Reims, ch. soc., 9 juin 2010, RG n° 09/03205). 

Un paramétrage de l’accès a minima, bien qu’ayant le mérite d’exister, n’appelle toutefois pas systématiquement l’attention bienveillante des juges. Ainsi, un Conseil de prud’hommes a pu décider que la protection visant à permettre l’accès aux « amis des amis » n’est pas suffisante pour exciper de la protection des correspondances privées (Cons. prud’h. Boulogne-Billancourt, 19 nov. 2010, n° 10/00853). D’autres juges refusent, quant à eux, d’entrer dans le débat technique. Ce fut le cas des magistrats de la cour d’appel chargée d’examiner l’affaire jugée en première instance à Boulogne-Billancourt qui ne se sont pas prononcés sur la question puisqu’ils ont « simplement » invalidé le licenciement litigieux (Versailles, 22 févr. 2012, RG n° 10/05453). Dans le même ordre d’idées, d’autres se sont prononcés sur la validité d’une promesse d’embauche sans répondre à l’argumentation du salarié selon laquelle les propos qui lui sont reprochés ont été tenus sur une page facebook accessible uniquement aux amis et non ouverte au public (Douai, 16 déc. 2011, RG n° 10/02317).

À l’inverse de ce courant, certaines juridictions estiment que les écrits postés sur Facebook relèvent bien d’une correspondance privée, protégée en tant que telle, notamment au regard du droit du travail. La cour d’appel de Rouen précise même qu’il « ne peut être affirmé de manière absolue que la jurisprudence actuelle nie à Facebook le caractère d’espace privé » (Rouen, ch. soc., 15 nov. 2011, n° 11/01830).

Au cas rapporté, quand bien même les juges relèvent que « nombre d’internautes ont accès » (ce qui induit implicitement que tous n’y ont pas accès et donc qu’une limitation a été apportée) aux propos et que le salarié a des « correspondants » (ce qui laisse sous-entendre une notion de correspondance privée), la chambre sociale de la cour d’appel de Reims évite l’écueil de la qualification et ne se prononce même pas sur la question d’une éventuelle correspondance privée. Dans l’attente d’une décision de la Cour de cassation sur une éventuelle protection des salariés via la correspondance privée, il ne reste qu’à recommander aux utilisateurs de Facebook la plus grande neutralité dans leurs propos. 

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