Soc. 22 oct. 2014, FS-P+B, n° 13-18.862

Après quelques hésitations jurisprudentielles, le harcèlement moral de nature managériale a été consacré par la Cour de cassation dans son arrêt du 10 novembre 2009. La chambre sociale précisait que « peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Depuis cette décision, la ligne jurisprudentielle de la Cour de cassation est constante. La Cour s’est ainsi arrogé le contrôle de la qualification du harcèlement en vérifiant la réunion des conditions visées par l’article L. 1152-1 du code du travail et rappelant que le harcèlement est indépendant de la volonté de nuire de son auteur.

L’employeur tenu à une obligation de sécurité de résultat doit réagir en amont pour prévenir toute situation de harcèlement mais aussi en aval pour sanctionner tout comportement fautif d’un salarié auteur de méthodes de management mettant en danger la santé des autres salariés. Parfois, ces agissements sont tels qu’ils peuvent justifier une rupture immédiate du contrat de travail. Toutefois, la faute grave n’est pas automatiquement retenue.

En l’espèce, une « animatrice développement des ventes » a été licenciée pour faute grave, en raison notamment d’une gestion autoritaire inappropriée et d’une agressivité injustifiée à l’égard des salariés placés sous sa subordination. L’employeur relevait aussi que la salariée « dirigeait son équipe de façon très autoritaire et souvent inappropriée alors qu’un tel comportement n’était pas justifié, de telle sorte qu’il existait des répercussions de ce comportement sur l’ensemble de l’équipe, ses subordonnés se plaignant à ce titre de l’attitude abusive de [cette dernière] laquelle les brimait en leur assignant, tout d’abord, une place précise lors des réunions durant lesquelles il leur était interdit d’échanger le moindre mot, en leur interdisant, ensuite, tout contact avec le directeur des ventes et en leur imposant, enfin, un rapport d’activité quotidien là où la direction de l’entreprise n’exigeait qu’un rapport hebdomadaire sous peine de recevoir de nombreuses relances au ton sec ». L’employeur ajoute que la salariée était à « l’origine d’un climat détestable ayant notamment provoqué le placement d’une salariée en arrêt de travail pour cause d’anxiété réactionnelle liée au travail et la dégradation des conditions de travail des autres membres de l’équipe ». Par conséquent, selon lui, la faute grave était justifiée. Contestant son licenciement, la salariée portait son action devant la juridiction prud’homale.

La cour d’appel considère que le harcèlement moral n’est pas suffisamment caractérisé et que le grief de la gestion autoritaire et inappropriée ne justifiait pas le licenciement pour faute grave de la salariée. C’est ainsi que l’employeur forma un pourvoi en cassation.Le pourvoi est toutefois rejeté.

En premier lieu, la Cour de cassation considère que « les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique ne peuvent caractériser un harcèlement moral que si elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ». Tel n’avait pas été le cas en l’espèce.

En second lieu, la Cour précise que « l’obligation faite à l’employeur de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir ou de faire cesser les agissements de harcèlement moral n’implique pas, par elle-même, la rupture immédiate du contrat de travail d’un salarié à l’origine d’une situation susceptible de caractériser ou dégénérer en harcèlement moral ».

Enfin, la Cour constate que certains griefs mentionnés dans la lettre de licenciement n’étaient pas avérés, que seul le grief « gestion autoritaire et inappropriée » pouvait être retenu mais que celui-ci ne permettait pas de justifier la faute grave de la salariée.

La faute grave ne peut donc pas être retenue systématiquement en matière de comportement susceptible de dégénérer en harcèlement moral. Il n’en reste pas moins que l’employeur peut se prévaloir d’une cause réelle et sérieuse pour justifier le licenciement.

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