Soc. 6 févr. 2013, FS-P+B+R, n° 11-27.000

La rupture conventionnelle du contrat à durée indéterminée est atteinte de nullité si aucun exemplaire de la convention n’a été remis au salarié.

L’augmentation continue du recours à la rupture conventionnelle apporte son corollaire de l’augmentation de son contentieux. Cette évolution interroge et place au cœur des débats deux questions essentielles soumises aux juges. La première concerne l’articulation entre les ruptures conventionnelles et les procédures de licenciement collectif et la seconde tient au contrôle du consentement du salarié.

L’arrêt du 6 février 2013 ici commenté est une parfaite illustration de cette seconde problématique. En l’espèce, le salarié a conclu avec son employeur une rupture conventionnelle qui a été homologuée postérieurement par l’administration. Le salarié a saisi la juridiction prud’homale afin de contester la validité de la rupture conventionnelle en faisant valoir que celle-ci lui avait été imposée et qu’aucun exemplaire de la convention de rupture ne lui avait été remis. L’employeur en défense soutient à l’appui de sa démonstration que cette convention de rupture doit s’analyser en un acte sous seing privé contenant des conventions synallagmatiques. Selon lui, cet acte ne serait donc soumis à aucune autre obligation que la signature de ceux qui s’obligent. Autrement dit, la signature du salarié nécessaire à la perfection de l’acte juridique manifeste son consentement et l’oblige par conséquent aux obligations qui en découlent. Par ailleurs, il soutient qu’au visa de l’article 1325 du code civil, « il suffit d’un original pour toutes les personnes ayant le même intérêt ». Dès lors, son argumentation tend à démontrer que l’absence de remise d’un exemplaire de la convention signée par le salarié ne saurait être une cause de nullité.

La cour d’appel de Lyon n’a pas suivi cette argumentation dans son arrêt du 23 septembre 2011. Elle a considéré que la convention de rupture est nulle en raison, d’une part, de l’absence de remise d’un exemplaire au salarié et, d’autre part, du défaut des mentions « lu et approuvé » et de date du salarié sur la convention de rupture.

La Cour de cassation retient dans un attendu laconique que la simple absence de remise d’un exemplaire de la convention de rupture au salarié qui est nécessaire pour garantir son libre consentement suffit à entraîner la nullité de la convention. Cette solution ne peut qu’être saluée puisque seule l’assurance pour le salarié d’être en possession d’un exemplaire de la convention peut garantir la possibilité réelle pour lui d’exercer son droit de rétractation.

Cette décision souligne ainsi l’importance des formalités - même pour une rupture inspirée du mutus dissensus. Or le dispositif actuel laisse quelques  zones d’ombre. Pour illustration, l’article L. 1237-12 du code du travail, dispose que les parties « conviennent du principe d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens… ». Or cet article reste muet quant à l’initiative de l’entretien et à son contenu. Le but étant que celui-ci ne se résume pas à une simple convocation à signature. De la même manière, les formulaires CERFA (centre d’enregistrement et de révision des formulaires administratifs) utilisés en vue de l’homologation manquent eux-mêmes de précision quant à la situation des droits des salariés notamment à propos du droit individuel à la formation, à l’assurance chômage ainsi qu’au sort de l’éventuelle clause de non-concurrence.

En réaction à ces carences, le ministère du travail a, par communiqué du 1er février 2013, informé de la mise en ligne d’un portail internet (http://www.telerc.travail.gouv.fr/) permettant aux employeurs et aux salariés d’effectuer en ligne une demande d’homologation de rupture conventionnelle. Cet accès permettra ainsi une saisie assistée du formulaire d’homologation afin de garantir une meilleure information au bénéfice des parties et permettre un traitement plus rapide de la demande par l’administration. Reste à savoir si ce nouveau service aura l’effet escompté.

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