Soc. 23 janv. 2012, FS-P+P, n° 11-23.428

La rupture du contrat de travail avant l’échéance du terme de la période d’essai ne s’analyse pas en un licenciement, peu important le non-respect par l’employeur du délai de prévenance.

Alors qu’il résultait d’une jurisprudence traditionnelle que « la rupture du contrat de travail n’est pas subordonnée, pendant la période d’essai, au respect du délai de préavis » (Soc. 10 oct. 1957, JCP 1958. II. 10402), la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 relative à la modernisation du marché du travail a introduit un délai de prévenance pour la rupture du contrat de travail durant la période d’essai, reprenant de la sorte une obligation déjà prévue par de nombreuses conventions collectives. Désormais, lorsqu’il met fin à la période d’essai, l’employeur doit respecter un délai de prévenance dont la durée varie de quarante-huit heures à un mois selon le temps de présence du salarié dans l’entreprise, étant précisé que le délai de prévenance ne peut avoir pour effet de prolonger la période d’essai au-delà des maxima prévus (C. trav., art. L. 1221-25).

Quelles sont les conséquences attachées au non-respect par l’employeur de ce délai de prévenance et, plus spécifiquement, l’incidence de la violation de cette obligation sur la qualification de la rupture du contrat de travail ? Plus précisément, lorsque l’employeur met fin à la période d’essai sans respecter le délai de prévenance, la rupture s’analyse-t-elle toujours en une rupture du contrat de travail au cours de la période d’essai et, comme telle, soumise au principe d’une libre résiliation unilatérale ou doit-elle être considérée, partant de l’idée que le contrat est devenu définitif en cas de non-respect du délai de prévenance, comme un licenciement soumis comme tel à l’exigence de motivation? Telles étaient en substance les questions soulevées dans la présente espèce devant la chambre sociale.

Celle-ci décide, par cet arrêt du 23 janvier 2013, que « la rupture du contrat de travail avant l’échéance du terme de la période d’essai ne s’analyse pas en un licenciement, peu important le non-respect par l’employeur du délai de prévenance ». Autrement dit, le non-respect du délai de prévenance est dépourvu d’incidence sur la qualification de la rupture du contrat de travail.

La solution adoptée correspond à celle classiquement admise avant l’entrée en vigueur de la loi du 25 juin 2008 s’agissant des délais de prévenance prévus par les conventions collectives et aux termes de laquelle le « non-respect par l’employeur du délai de prévenance n’a pas pour effet de rendre le contrat définitif. Elle répond parfaitement, en outre, à ce que semble être la signification du délai de prévenance en matière d’essai. L’introduction d’un tel délai ne répond nullement, en effet, à une quelconque velléité de procéduraliser la rupture en période d’essai mais vise, tout bonnement, dans une optique de loyauté contractuelle comme de respect des personnes, à couper court à la pratique du renvoi immédiat. Le bien-fondé de la décision s’impose, enfin, avec la force de l’évidence étant donné que la solution inverse aurait bon an mal an pour conséquence de réduire la durée de l’essai à due concurrence de celle du délai de prévenance.

Parfaitement justifiée, la solution n’en soulève pas moins des interrogations, à travers la question de la sanction de la violation du non-respect du délai de prévenance, s’agissant de l’effectivité de cette obligation. Les dommages et intérêts classiquement appliqués en la matière (Soc. 29 juin 1999, Bull. civ. V, n° 311) seront, à cet égard, très probablement insuffisants. C’est la raison pour laquelle, la fixation d’un plancher d’indemnisation au niveau du montant des salaires correspondant à la durée du délai de prévenance qui excède le terme de la période d’essai ne semblerait pas incongrue en tant qu’elle concilierait le principe de libre rupture du contrat de travail durant la période d’essai et l’effectivité de l’obligation de respecter un délai de prévenance. 

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