Soc. 22 nov. 2017, FP-P+B+R+I, n° 13-19.855

Par deux décisions du 14 mars 2017, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée sur le caractère discriminatoire ou non du licenciement de deux salariées ayant refusé de retirer leur foulard islamique.

 

 

La première décision concernait une salariée qui avait exprimé son refus après qu’un client eut dit à son employeur au sujet de sa prochaine intervention : « Pas de voile, la prochaine fois ». Dans la seconde affaire, une réceptionniste qui ne portait pas le voile lors de son embauche avait, trois ans plus tard, fait part à son employeur de son désir de porter un foulard islamique. L’employeur lui avait alors indiqué qu’une règle non écrite de l’entreprise imposait aux salariés une stricte neutralité vestimentaire lorsqu’ils sont en contact avec la clientèle. La salariée étant toutefois venue travailler avec un voile, le comité d’entreprise modifia le règlement intérieur pour faire clairement apparaître dans ce dernier l’obligation de neutralité ainsi rédigée : « il est interdit aux travailleurs de porter sur le lieu de travail des signes visibles de leurs convictions politiques, philosophiques ou religieuses ou d’accomplir tout rite qui en découle ». L’intéressée, persistant à porter son voile, fut licenciée.

 

 

 

 

 

 

 

Dans son arrêt du 22 novembre 2017, qui est la suite de la première affaire, la chambre sociale prend en considération les réponses formulées par la CJUE. Elle juge que « l’employeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communauté de travail l’ensemble des libertés et droits fondamentaux de chaque salarié, peut prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, en application de l’article L. 1321-5 du code du travail, une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients ; qu’en présence du refus d’une salariée de se conformer à une telle clause dans l’exercice de ses activités professionnelles auprès des clients de l’entreprise, il appartient à l’employeur de rechercher si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l’entreprise et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il lui est possible de proposer à la salariée un poste de travail n’impliquant pas de contact visuel avec ces clients, plutôt que de procéder à son licenciement ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La Cour relève qu’en l’espèce aucune clause de ce type n’était prévue et que l’interdiction faite à la salariée de porter le foulard islamique dans ses contacts avec les clients résultait seulement d’un ordre oral visant un signe religieux déterminé, ce dont il résultait l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses. En outre, ajoute-t-elle, il résulte de l’arrêt de la CJUE (dans la première affaire) que la volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits d’un client de ne plus voir les services dudit employeur assurés par une salariée portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive du 27 novembre 2000. Loin d’être fondé sur une cause réelle et sérieuse, le licenciement était donc bel et bien discriminatoire.

 

 

 

 

 

 

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