Soc. 25 sept. 2013, F-P+B, n° 11-25.884

L’utilisation massive des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) a contraint le législateur à faire évoluer son arsenal juridique, notamment pour encadrer l’utilisation comme mode de preuve des données issues de ces NTIC. Les articles 287 du code de procédure civile et 1316-1 et 1316-4 ont été adaptés en ce sens par la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000. Ainsi, le courrier électronique doit satisfaire certaines exigences pour être admis en tant que mode de preuve lors d’un procès. Il doit, notamment, permettre d’« identifi[er] la personne dont il émane », ainsi qu’être « établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ». La signature électronique doit, quant à elle, relever d’« un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire ». C’est du champ d’application de ces dispositions qu’il est question en l’espèce.

Une salariée conteste son licenciement pour faute grave prononcée, selon la lettre de licenciement, parce qu’elle n’est pas revenue travailler dans l’entreprise à la suite d’un arrêt de travail. Dans le cadre de cette contestation, elle produit devant la juridiction prud’homale un courrier électronique de son employeur dans lequel ce dernier lui interdit de revenir travailler. Les juges de première instance ont débouté la salariée de sa demande mais la cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 1er septembre 2011, a considéré le licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que l’employeur ne « rapport(ait) pas la preuve que l’adresse de l’expéditeur mentionnée sur le courriel soit erronée ou que la boîte d’expédition de la messagerie de l’entreprise ait été détournée » et qu’« en tout état de cause, un tel détournement ne saurait être imputé à Mme X… ». L’employeur se pourvoit en cassation et conteste la recevabilité de cette preuve au moyen que ce courrier, dont il nie être l’auteur, ne satisfait pas aux conditions de validité des courriers et signatures électroniques prévues par les articles 287 du code de procédure civile et les articles 1316-1 et1316-4 du code civil.

La Cour de cassation doit donc se prononcer sur les conditions de validité d’un courrier électronique utilisé comme moyen de défense par une salariée dans un procès pour licenciement abusif.

Dans cet arrêt du 2 octobre 2013, la Cour de cassation considère que les articles précités ne sont pas applicables en l’espèce car le « courrier électronique [a été] produit pour faire la preuve d’un fait, dont l’existence peut être établie par tous moyens de preuve ». En d’autres termes, la preuve de l’existence d’un fait, en l’espèce un licenciement verbal, peut être établie par tous moyens, y compris par courrier électronique, sans qu’il soit nécessaire de vérifier si les conditions de validité de la signature électronique, requises par les articles 1316-1 et 1316-4 du code civil, sont satisfaites.

Cette position semble logique au regard du champ d’application des articles 1316-1 et 1316-4 du code civil qui se limite aux actes juridiques et non aux faits juridiques (le plan du code civil plaçant ces dispositions dans le titre III relatif aux contrats et obligations conventionnelles du livre III) et de l’article 287 du code de procédure civile dont le domaine d’application se limite aux actes sous seing privé.

En définitive, il appartient aux seuls juges du fond d’apprécier souverainement si les éléments de preuve rapportés par le salarié suffisent à emporter leur conviction. En l’espèce, la cour d’appel de Bordeaux a estimé « que la version de la salariée selon laquelle l’employeur lui a refusé l’accès aux locaux de l’entreprise à compter du 6 août est fondée et que, dès lors, le contrat de travail a été rompu à cette date sans motifs valables, la procédure de licenciement engagée postérieurement étant, de ce fait, privée de cause réelle et sérieuse ». La cour d’appel, confirmée en l’espèce par la Cour de cassation, a donc fait une simple application de la jurisprudence relative à l’absence de cause réelle et sérieuse d’un licenciement verbal.

 

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