Com. 2 oct. 2012, F-P+B, n° 10-25.633

La créance de l’acquéreur née du défaut de conformité de la chose vendue a son origine au jour de la conclusion de la vente, de sorte que, si celle-ci est intervenue avant le jugement d’ouverture de la procédure collective du vendeur, l’acquéreur doit la déclarer au passif de la procédure collective.

 Bien qu’un peu émoussé par la réforme de 2005, le clivage entre les créances nées antérieurement ou postérieurement au jugement d’ouverture reste déterminant pour le sort du créancier. Car, si toutes les créances postérieures ne sont plus prioritaires, privilégiées et soustraites à l’obligation de déclaration au passif, et si la sanction de cette dernière pour les créances antérieures ou assimilées n’est plus l’extinction, le défaut de déclaration d’une créance antérieure, qui entraîne désormais son inopposabilité à la procédure, équivaut toujours en pratique peu ou prou à sa perte. Aussi la question du fait générateur demeure-t-elle au centre de nombre de contentieux. Et, à cet égard, la jurisprudence de la Cour de cassation, limpide pour les spécialistes, n’en repose pas moins sur une construction doctrinale et prétorienne subtile.

La chambre commerciale distingue en effet entre les contrats à exécution instantanée et les contrats à exécution successive. S’agissant des premiers, conformément à l’analyse civiliste classique, fondée sur le consensualisme, elle estime que les obligations des parties naissent toutes à la date de la conclusion du contrat. C’est la théorie dite « volontariste », peu favorable aux créanciers. Quant aux seconds, en revanche, par souci de réalisme économique, par une approche qualifiée de « matérialiste », elle recherche la date de l’exécution de la prestation caractéristique du contrat pour en faire le critère de la naissance de la créance. Ainsi, un même contrat, poursuivi après le jugement d’ouverture, génère-t-il, prorata temporis, des créances antérieures et des créances postérieures (V., par ex., à propos de la créance d’honoraires de résultat d’un mandataire chargé d’une mission d’optimisation fiscale, Com. 27 sept. 2011, n° 10-21.277, Bull. civ. IV, n° 142).

Le présent arrêt montre bien que la distinction tient toujours, qu’elle a survécu à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005. Personne n’en doutait vraiment, quand même avait pu être soulevée – sans conviction – la question de la portée possible de la substitution, afin d’unification sémantique entre les textes, à l’article L. 622-24 du code de commerce, siège de l’obligation de déclaration, de la référence à la « naissance » de la créance à celle, faite par la rédaction originelle de l’ancien article 50 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, à l’« origine » de la créance. Voulue ou non, la rédaction de l’attendu de principe mélange d’ailleurs les deux notions, en affirmant que « la créance de l’acquéreur née du défaut de conformité de la chose vendue a son origine au jour de la conclusion de la vente. La naissance de la créance ne saurait donc être différée, comme le plaidait le pourvoi, au moment de l’apparition du dommage causé par l’inexécution de l’obligation contractuelle du vendeur. Ainsi se trouve reconduite la solution régulièrement énoncée par la Cour de cassation sous l’empire de l’ancien article L. 621-43 du code de commerce, et qui vaut évidemment aussi pour la créance née de la garantie des vices cachés (V., par ex., Com. 8 juin 1999, n° 96-18.840, Bull. civ. IV, n° 121).

Reste alors la possibilité pour l’acheteur d’agir en relevé de forclusion, sachant que, dans ce cas, il devrait bénéficier du délai d’un an à compter de la publication du jugement d’ouverture, maintenu par le législateur de 2005 pour les créanciers « placés dans l’impossibilité de connaître l’existence de leur créance avant l’expiration du délai de six mois » (P. Pétel, Procédures collectives, Dalloz, coll. « Cours », 7e éd., 2011, n° 385). Mais tel n’était pas le problème en l’espèce, puisque le créancier avait, semble-t-il, procédé à la déclaration dans le délai mais prétendait au paiement de sa créance au titre des créances postérieures méritantes de l’article L. 622-17.

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