Com. 30 mars 2016, FS-P+B, n° 14-11.684

Par acte du 29 juin 2006, les membres d’une même famille, les consorts X…, ont cédé à la société NUMP, représentée par M. Y…, les parts qu’ils détenaient dans le capital de la société Usinage mécanique de précision. Soutenant que son consentement avait été vicié par des manœuvres dolosives, la société NUMP a, ainsi que M. et Mme Y… , assigné les consorts X… en annulation de la cession des parts sociales, restitution du prix versé et paiement de dommages-intérêts. Les juges du fond ont accueilli ces demandes et la Cour de cassation, qui rejette le pourvoi des consorts X…, confirme la solution : en donnant une image trompeuse des résultats de la société dont les titres ont été cédés, les cédants ont commis une réticence dolosive déterminante du consentement des cessionnaires ; s’ensuit la nullité de la cession.

Plus précisément, la Haute juridiction considère « qu’ayant constaté que les consorts X… avaient, par une hausse massive des prix de vente, donné une image trompeuse des résultats atteints par la société cédée au cours des mois ayant précédé la cession, et qu’ils avaient dissimulé à la société NUMP les informations qu’ils détenaient sur l’effondrement prévisible du chiffre d’affaires réalisé avec au moins deux des principaux clients de l’entreprise, la cour d’appel, qui a souverainement retenu que ces éléments étaient déterminants pour le cessionnaire, lequel n’avait pas été mis en mesure d’apprécier la valeur de la société cédée et ses perspectives de développement et n’aurait pas accepté les mêmes modalités d’acquisition s’il avait eu connaissance de la situation exacte de cette société, n’a pas méconnu les conséquences légales de ses constatations en décidant que les réticences dolosives imputables aux cédants entraînaient la nullité de la cession ».

Si la solution n’est pas nouvelle, elle n’est cependant pas systématique, surtout si le cessionnaire se montre négligent, omettant notamment de se renseigner sur la situation de la société. On relèvera qu’en cas de dol incident - ce qui vise l’hypothèse où la partie au contrat aurait néanmoins accepté de contracter, même si le dol n’avait pas été commis, mais à des conditions plus avantageuses pour elle (par exemple l’acquéreur aurait acquis les parts sociales pour un prix moins élevé ou le cédant les auraient vendues pour un prix supérieur) -, la victime ne peut prétendre qu’à des dommages-intérêts, et non à l’annulation de la cession.

Au demeurant, la solution dégagée dans l’arrêt rapporté mérite d’être saluée, d’autant plus que l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats a expressément consacré le dol par réticence comme vice du consentement et le fait que, lorsqu’il revêt un caractère déterminant, il est une cause de nullité relative du contrat (C. civ., futur art. 1137, al. 2).

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