Com. 15 mars 2017, F-P+B+I, n° 14-26.970

Alors qu’un commissaire aux comptes avait été désigné au sein de la société BFG, l’interruption de l’activité de ce dernier et l’impossibilité de lui désigner un remplaçant fut constatée lors d’une première assemblée générale ordinaire des associés. Aux termes d’un procès-verbal d’une seconde assemblée convoquée le 10 septembre 2009, M. X. fut désigné en qualité de commissaire aux comptes titulaire. Un second procès-verbal du même jour faisait toutefois état de la nomination à cette même fonction de la société NSK Fiduciaire, représentée par M. X. Reprochant à ce dernier de s’être substitué à la société NSK Fiduciaire et d’avoir, à cette occasion, commis divers manquements, dont la révélation injustifiée de faits délictueux au procureur de la République, la société BFG assigna M. X afin d’obtenir sa condamnation sous astreinte à l’accomplissement des formalités permettant la régularisation de cette situation ainsi qu’en paiement de dommages-intérêts.

Les juges du fond ayant fait droit à la demande de la société BFG, le commissaire aux comptes se pourvut en cassation. Dans son pourvoi, il invoquait le caractère absolu de l’immunité du commissaire aux comptes, instituée par l’article L. 823-12, alinéa 2, du code de commerce. Cet article ne dispose-t-il pas en effet que les commissaires aux comptes sont tenus de révéler au procureur de la République les faits délictueux dont ils ont eu connaissance dans l’exercice de leur mission, sans que leur responsabilité puisse être engagée par cette révélation ?

La Cour de cassation ne suit pas cet argumentaire : « si la révélation au procureur de la République, par un commissaire aux comptes, de faits délictueux dont il a connaissance, ne peut engager sa responsabilité, cette immunité cède lorsque la révélation procède d’une intention malveillante », affirme la haute juridiction.

En l’espèce, le commissaire aux comptes avait révélé le 30 mai 2012 au procureur de la République un projet d’achat par la société BFG, à un prix surévalué, d’un ensemble immobilier à son président, jusqu’alors indivisaire avec son frère, également associé de la société BFG, tandis que le rapport de certification des comptes ne comportait aucune mention de ce projet qui, de surcroît, n’avait eu aucune suite à la date de la révélation. Le commissaire aux comptes avait également dénoncé l’ajournement de l’assemblée générale annuelle d’approbation de l’exercice clos au 30 septembre 2011, dont il ne pouvait cependant ignorer qu’il trouvait son origine dans son refus – injustifié - de certification des comptes. Enfin, le commissaire aux comptes avait dénoncé un litige ne touchant pas à la régularité et à la sincérité des comptes et étranger, en soi, à toute qualification pénale, lequel litige opposait la société contrôlée à son commissaire aux comptes à propos de sa désignation et des honoraires. Ainsi, la dénonciation de la société contrôlée, dès le lendemain de la remise du rapport de certification, procédait manifestement d’une intention de nuire exclusive de l’immunité légale prévue par l’article L. 823-12, alinéa 2, précité.

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