Com. 27 mai 2015, F-P+B, n° 13-27.458

Transformer et créer une société, ce n’est pas la même chose. Un récent arrêt du 27 mai 2015 permet d’éviter tout amalgame entre ces deux notions clés de la vie d’une société. En l’espèce, la SCI Ecots, dont M. X… était le gérant, a fait l’acquisition d’un immeuble. Une assemblée générale extraordinaire de cette société a décidé la transformation de celle-ci SARL. Par la suite, la SARL Ecots a été mise en redressement puis en liquidation judiciaire. Soutenant que l’immeuble acquis par la SCI Ecots se trouvait, depuis le changement de forme sociale, dans le patrimoine de la SARL Ecots, le liquidateur a demandé en justice l’autorisation de le céder. M. X… et la SARL Ecots, contestant la régularité de la transformation, se sont opposés à cette demande. Ils n’obtiennent pas gain de cause, les juges du fond ordonnant la cession de l’ensemble immobilier par voie d’adjudication amiable. 

Pour les demandeurs au pourvoi, cette transformation n’était pas régulière, car les statuts auraient dû contenir l’évaluation de chaque apport en nature, arrêtée sous la responsabilité d’un commissaire aux apports, lorsque la SARL résulte de la transformation d’une SCI sous cette forme sociale. Or, les statuts de la SARL Ecots ne mentionnaient pas l’existence d’apports en nature des deux associés et n’indiquaient qu’un apport en numéraire total de 1 500 €. Cet argument ne convainc toutefois pas la Cour de cassation, qui rejette le pourvoi dans les termes suivants : « attendu qu’ayant exactement retenu que la SCI et la SARL ne constituaient pas deux sociétés distinctes, mais deux formes successives d’une seule et même personne morale, et que l’immeuble acquis par la société Ecots du temps où elle était une SCI était demeuré dans son patrimoine, nonobstant le changement de forme sociale, ce dont il résultait que le changement de forme sociale n’avait donné lieu à aucun apport de cet immeuble de la SCI à la SARL, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ».

La solution mérite d’être approuvée. Certes, l’article L. 223-9, alinéa 1er, du code de commerce, auquel se réfère le pourvoi, dispose que les statuts d’une SARL « doivent contenir l’évaluation de chaque apport en nature. Il y est procédé au vu d’un rapport […] établi sous sa responsabilité par un commissaire aux apports ». Or, cette disposition doit être respectée dans l’hypothèse d’un apport qui intervient à l’occasion de la constitution de la société ou d’une augmentation de capital et non lors de la transformation de celle-ci, à tout le moins lorsque cette transformation est régulière, une telle transformation n’entraînant pas « la création d’une personne morale nouvelle » (C. civ., art. 1844-3). A l’inverse, si cette transformation avait été irrégulière, elle se serait analysée en une dissolution (de la SCI) suivie de la constitution d’une société nouvelle (la SARL) et, dans ce cas, le respect de la procédure de l’article L. 223-9 du code de commerce s’imposerait. Il faut aussi réserver l’hypothèse de la création d’une société civile avec apport en nature suivie de sa transformation immédiate en SARL. On pourrait alors concevoir l’application de l’article L. 223-9, en se fondant sur la notion de fraude.

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