Civ. 1re, 4 févr. 2015, F-D, n° 13-28.183

Il ne fait plus de doute, à la lecture des dernières décisions qui se sont prononcées sur la dissolution pour mésentente entre associés, que les juges privilégient la survie de la société. En effet, la mésentente est insuffisante à elle seule pour obtenir la dissolution : il faut qu’elle s’accompagne de la paralysie de la société et que cette paralysie soit établie. Nous pourrions désormais ajouter, avec cette décision du 4 février dernier, que la paralysie doit être d’un degré élevé pour que l’action en dissolution aboutisse.

En l’espèce, un médecin associé d’une société civile professionnelle demandait la dissolution de la structure à la suite de la dégradation de la relation qu’il avait avec l’autre médecin, également associé. Il fondait son action sur les dispositions de l’article 1844-7, 5°, du code civil, qui prévoient que la société prend fin par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d’un associé pour justes motifs, notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société.

Comme il a déjà été souligné, la difficulté réside dans l’établissement et l’appréciation de la paralysie effective de la société. Parce qu’en effet, dans les faits, il arrive que les sociétés aient une activité économique prospère en dépit de la mésentente ambiante. Il en résulte que les juges vont alors tenter de sauver la société et éviter ainsi de faire disparaître la personne morale.

Dans l’arrêt rapporté, les juges toulousains avaient relevé que la mésentente entre associés était profonde et irréversible. Ils retenaient que les éléments invoqués par le médecin demandeur à l’action étaient, certes, insuffisants pour caractériser la paralysie du fonctionnement de la société, mais que l’autre médecin associé ne fournissait aucun élément sur le fonctionnement de la société. Ils en déduisaient donc que sa paralysie ne pouvait qu’être constatée. Au visa des articles 1844-7, 5° et 1315 du code civil, la première chambre civile censure leur décision au motif que la mésentente entre associés ne peut constituer un juste motif de dissolution que si elle conduit à la paralysie du fonctionnement de la société, et qu’il appartient à celui qui réclame la dissolution de rapporter la preuve d’une telle paralysie.

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