Ord. n° 2014-863, 31 juill. 2014, JO 2 août

L’ordonnance du 31 juillet 2014 prise en application de l’article 3 de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 comporte plusieurs mesures importantes pour les praticiens modifiant le régime des sociétés à responsabilité limitée.

Cessions des parts de SNC et de SARL

En application de l’article L. 221-14 du code de commerce, les cessions de parts sociales de sociétés en nom collectif (SNC) ou de sociétés à responsabilité limitée (SARL) ne sont opposables aux tiers qu’après accomplissement des formalités d’opposabilité de la cession à la société (qui consistent soit en une signification à la société, soit en un dépôt de l’acte de cession au siège social contre récépissé) et réalisation d’une publicité au registre du commerce et des sociétés (RCS). Cette publicité est prévue par l’article R. 221-9 du même code qui énonce que « la publicité prescrite par l’article L. 221-14 est accomplie par le dépôt, en annexe au registre du commerce et des sociétés, de deux expéditions de l’acte de cession, s’il a été établi dans la forme authentique, ou de deux originaux, s’il est sous seing privé ». Parallèlement à la cession de parts sociales, il était, jusqu’ici nécessairement procédé à une modification des statuts, cette modification faisant l’objet d’un dépôt en annexe du RCS. Ce double dépôt au RCS, à la fois des statuts modifiés et des actes de cession, est apparu redondant au regard des exigences de la publicité légale.

Ainsi, afin d’alléger les formalités pesant sur les entreprises en matière de cession de parts sociales, l’exigence du double dépôt au RCS est supprimée. Le dépôt des statuts modifiés constatant la cession est donc suffisant pour constater la cession et, ce faisant, la rendre opposable aux tiers. Ce dépôt pourra être accompli par voie électronique.

EURL associée d’une EURL

La loi n° 85-697 du 11 juillet 1985 relative à l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée et à l’exploitation agricole à responsabilité limitée avait posé deux interdictions : celle pour une personne physique d’être associée unique de plusieurs entreprises uniques à responsabilité limitée (EURL) et celle faite à une EURL d’être associée unique d’une autre EURL. Ces interdictions visaient à éviter le fractionnement excessif du patrimoine afin de ne pas nuire aux créanciers.
La loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise a supprimé la première interdiction et la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 a créé l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), qui permet à un entrepreneur d’affecter une partie de son patrimoine à son activité professionnelle, ce qui a affaibli l’argument relatif à l’unicité du patrimoine. Par ailleurs, des chaînes de sociétés par actions simplifiées unipersonnelles (SASU) sont possibles.
Enfin, l’article 2.2 de la directive 2009/102/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 en matière de droit des sociétés concernant les sociétés à responsabilité limitée à un seul associé envisage ces interdictions comme temporaires en attendant un droit des groupes.

Par conséquent, l’argument relatif au risque de dilution du patrimoine qui fondait l’interdiction pour une société à responsabilité limitée (SARL) composée d’une seule personne d’être l’associée unique d’une autre SARL a aujourd’hui perdu de sa pertinence. Aussi l’ordonnance du 31 juillet 2014 abroge-t-elle l’article L. 223-5 du code de commerce posant le principe d’interdiction des chaînes de SARL composées d’une seule personne.

Assemblée générale ordinaire des SARL

L’absence de convocation de l’assemblée générale ordinaire dans le délai de six mois à compter de la clôture de l’exercice est sanctionnée par la faculté dont disposent le ministère public ou toute personne intéressée de saisir le président du tribunal compétent statuant en référé afin d’enjoindre, le cas échéant sous astreinte, aux gérants de convoquer cette assemblée ou de désigner un mandataire pour y procéder.

Aucune disposition du code de commerce ne prévoyait plus la possibilité pour les dirigeants d’une SARL qui ne parviennent pas à respecter ce délai de solliciter auprès du président du tribunal une prolongation, car la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l’allégement des démarches administratives a, de fait, supprimé cette faculté qui était prévue implicitement à l’article L. 241-5 du code de commerce. Pour autant, l’absence de convocation de l’assemblée générale ordinaire ne résulte pas toujours d’une négligence du gérant. En effet, celui-ci peut, en toute bonne foi, être dans l’incapacité de procéder à une telle convocation. En outre, les sociétés anonymes bénéficient de la faculté de solliciter une prolongation du délai de tenue de l’assemblée générale (V. C. com., art. L. 225-100).

L’ordonnance du 31 juillet 2014 réintroduit donc cette possibilité pour les SARL, en précisant, à l’article L. 223-26 du code de commerce, que le délai de tenue de l’assemblée générale dans les SARL peut être prolongé par décision de justice.

Expertise de l’article 1843-4 du code civil

Afin de « contrer » la jurisprudence de la Cour de cassation, la loi d’habilitation du 2 janvier 2014 avait autorisé et prévu la modification de l’article 1843-4 « pour assurer le respect par l’expert des règles de valorisation des droits sociaux prévues par les parties ». Mais, entre-temps, la chambre commerciale avait déjà, d’elle-même, réajusté sa position, en affirmant, par un arrêt du 11 mars 2014, que « les dispositions de l’art. 1843-4, qui ont pour finalité la protection des intérêts de l’associé cédant, sont sans application à la cession de droits sociaux ou à leur rachat par la société résultant de la mise en œuvre d’une promesse unilatérale de vente librement consentie par un associé ». Aussi, l’intervention du législateur étant devenue inutile, l’ordonnance s’est-elle finalement abstenue de modifier le texte.

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