Civ. 3e, 12 mars 2014, FS-P+B, n° 13-14.374

La Cour de cassation a rappelé que le gérant d’une société civile étant révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé, une cour d’appel ne saurait exiger que soient prouvées des fautes intentionnelles de particulière gravité, incompatibles avec l’exercice normal des fonctions sociales ou contraires à l’intérêt social.

La troisième chambre civile, à l’instar de la chambre commerciale pour les dirigeants de société à responsabilité limitée et de sociétés anonymes, considère, s’agissant du gérant de société civile immobilière, que sa responsabilité personnelle à l’égard des tiers suppose qu’il ait commis une faute séparable de ses fonctions qui lui soit imputable personnellement. Et, de façon implicite mais fort logique, elle a également adopté la définition de cette faute donnée par la chambre commerciale, depuis un arrêt du 20 mai 2003, selon laquelle la responsabilité suppose une faute intentionnelle d’une particulière gravité incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales.

Mais, bien évidemment, cette condition ne vaut que pour la responsabilité personnelle à l’égard des tiers. Elle ne saurait, par extension, être érigée en condition de révocation judiciaire des gérants de société civile, laquelle, aux termes de l’article 1851, alinéa 2, du code civil, est ouverte à tout associé qui avance une « cause légitime ». La cassation sur le fondement de ce texte était donc inévitable.

Une telle extension par analogie de la théorie de la faute séparable serait un non-sens. Certes, dans les deux cas, la finalité serait la même : renforcer la protection des dirigeants à la merci d’un texte conçu largement - l’article 1850, alinéa 1er, du code civil, qui rend responsable le gérant des « fautes commises dans sa gestion » ; l’article 1851, alinéa 2, qui le rend révocable par les tribunaux « pour cause légitime ». Toutefois, dans le cas de la responsabilité personnelle à l’égard des tiers, cette construction prétorienne, du reste très critiquée pour son absence de base légale, ne peut se justifier que par l’écran de la personnalité morale de la société, derrière lequel le dirigeant doit pouvoir s’abriter tant que ses fautes sont compatibles avec l’exercice normal des fonctions sociales. De sorte que, indépendamment de la lettre même de l’article 1851, alinéa 2, qui ne saurait tolérer la réduction de la « cause légitime » à une faute qualifiée, le fait que la demande de révocation émane, non d’un tiers, mais d’un associé, interdit de fonder toute restriction sur l’écran de la personnalité morale de la société.

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