Com. 23 avr. 2013, F-P+B, n° 12-19.184

Le droit européen de la concurrence est impitoyable ! Il exige, en effet, pour ne pas perturber les règles de la libre concurrence, le remboursement des aides d’État – lesquelles sont entendues largement (subvention, allègement de charges, financement de campagnes de promotion, prise de participation, exonération fiscale, etc.) – incompatibles avec le marché intérieur, y compris lorsque l’entreprise qui en bénéficie est sous le coup d’une procédure collective. Et il ne faut pas que la collectivité publique qui les a consenties traîne des pieds pour récupérer ces aides, notamment en refusant de se soumettre aux contraintes imposées aux créanciers du débiteur en difficulté par le droit des procédures collectives… Il s’agit là, a précisé le juge européen, d’une obligation légale pour l’État dont elle relève que de procéder à la récupération des aides accordées à des entreprises et que la Commission a déclaré illégales et incompatibles avec les règles communautaires.

Cette obligation passe d’abord par celle de déclarer sa créance au passif de l’entreprise bénéficiaire de l’aide d’État. La formalité de la déclaration s’impose par le fait que la créance de récupération de l’aide illégale est, certes, a priori, une créance postérieure au jugement d’ouverture, dès lors que la notification à la collectivité publique de la décision de la Commission de recouvrer cette créance a lieu postérieurement au jugement (c’est cette notification qui constitue, en effet, le fait générateur de la créance), mais elle ne fait pas partie de celles éligibles au paiement à l’échéance et au privilège de procédure (C. com., art. L. 622-17). Cela, en particulier, parce qu’elle elle n’est pas liée aux besoins de la procédure. Dès lors, elle est soumise à déclaration au passif. Et le juge européen d’ajouter que, si le délai pour procéder à la déclaration de créance de restitution est expiré, les autorités nationales doivent, lorsqu’elle existe et se trouve encore ouverte, mettre en œuvre toute procédure de relevé de forclusion qui permettrait, dans des cas particuliers, la déclaration hors délai d’une créance, sous peine de condamnation pour manquement (même arrêt).

En l’occurrence, une société française a bénéficié, sous la forme d’une exonération fiscale temporaire, d’une aide publique estimée incompatible avec les règles du marché commun par la Commission européenne, qui en a exigé la récupération. Cette société ayant été mise en redressement puis en liquidation judiciaire, un directeur départemental des finances publiques, qui n’avait pas déclaré sa créance de restitution dans le délai légal, a demandé à être relevé de la forclusion encourue. Le juge-commissaire ayant rejeté cette demande, il exerce alors un recours contre l’ordonnance de rejet du juge-commissaire. En vain, le recours est rejeté par le tribunal de grande instance, puis par la cour d’appel. Enfin, la Cour de cassation valide la position de la cour d’appel qui a jugé irrévocable le refus du relevé de forclusion, même s’il en résulte l’impossibilité absolue d’exécuter la décision de la Commission considérant l’aide illégale et exigeant son remboursement. Ce dont il ressort qu’en dépit du principe de la primauté du droit communautaire, il ne saurait être fait échec aux règles très restrictives de droit interne des procédures collectives qui gouvernent le relevé de forclusion. Il est peu douteux que cet arrêt ne sera pas regardé d’un bon œil par la Commission de Bruxelles, laquelle serait, d’ailleurs, en droit de faire valoir que les juridictions nationales sont tenues d’appliquer les décisions qu’elle rend…

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