Com. 25 sept. 2012, F-P+B, n° 11-22.754

Même lorsque deux époux sont les seuls associés d’une société à responsabilité limitée, il résulte de l’article L. 223-18 du code de commerce que la rémunération du gérant doit être déterminée soit par les statuts, soit par une décision de la collectivité des associés.

En l’absence de texte dédié dans le code de commerce, la Cour de cassation poursuit son analyse formaliste des règles de fixation de la rémunération du gérant de société à responsabilité limitée (SARL). S’il fallait la schématiser à la limite de la caricature, sa position pourrait être résumée ainsi : quelle que soit la situation particulière en cause, les dispositions régissant les décisions collectives s’appliquent. Et que cette méthode aboutisse à des résultats favorables ou non au dirigeant importe peu. C’est dans cet esprit que, par deux arrêts complémentaires, la chambre commerciale a récemment réglé la question jusque-là en suspens de la participation du gérant associé au vote. Selon son raisonnement sous forme de syllogisme partant de la nature de la rémunération, la détermination de la rémunération du gérant ne procédant pas d’une convention, le gérant peut, s’il est associé, par application de l’article L. 223-19 du code de commerce, prendre part au vote, sous réserve, en cas de gérance majoritaire, de l’application de la théorie de l’abus de majorité.

La même raison conduit ici à écarter toute dérogation que justifierait la particularité d’une société où seuls le gérant et son conjoint seraient associés. À cette fin, la Cour de cassation commence par poser expressément ce principe que la doctrine avait déjà déduit de la jurisprudence, mais que celle-ci n’avait jamais exprimé si nettement, sous forme d’un attendu de principe général, sous le visa de l’article L. 223-18, comme si la règle résultait explicitement du texte, alors que, nous l’avons dit, ce dernier reste muet sur ce point : « la rémunération du gérant d’une société à responsabilité limitée est déterminée soit par les statuts, soit par une décision de la collectivité des associés ».

En pratique, bien sûr, le premier terme de l’alternative ne se rencontre pas souvent, puisque fixer la rémunération par acte statutaire reviendrait à la figer. Il s’agit donc, en réalité, d’une décision collective, à prendre en assemblée (ou par consultation écrite) dans les SARL pluripersonnelles (art. L. 223-27) ou par voie de décision unilatérale consignée dans un registre par l’associé unique dans les SARL unipersonnelles (C. com., art. L. 223-31), ainsi que l’affirme un autre arrêt du 25 septembre 2012.

À partir de là, évidemment, la circonstance particulière de l’espèce s’efface. Et la cour d’appel ne pouvait juger que, « M. et Mme G. étant les seuls associés de la “société cédée”, il est sans intérêt de s’attacher à déterminer si les prélèvements critiqués ont été ou non autorisés par l’assemblée générale ». Non seulement cette distinction ne reposait sur aucun fondement légal mais, surtout, elle conduisait à nier, à la fois le caractère d’ordre public du régime de la société à responsabilité limitée et la portée même de la personnalité juridique de celle-ci, laquelle perdure après cession de la totalité du capital. De sorte que rien ne s’opposait à ce que le cessionnaire de l’intégralité des parts sociales et la société contestent les prélèvements opérés par l’ancien gérant cédant, au titre de sa rémunération afférente au dernier exercice, d’importantes sommes, sans autorisation de l’assemblée. Ce défaut d’autorisation rendait légitime la prétention à la restitution de ces sommes. Étant entendu que, même couverte par une décision valable en la forme, demeurerait la possibilité de l’attaquer sur le terrain de l’abus de majorité.

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