Soc. 6 janv. 2016, FS-P+B, n° 14-12.717

Durant leur mandat et pour un temps limité après celui-ci, les salariés protégés bénéficient d’un statut qui oblige l’employeur à obtenir une autorisation administrative – en l’occurrence l’inspecteur du travail - pour pouvoir procéder à leur licenciement. En l’espèce, se posait la question de la date à laquelle le bénéfice du statut protecteur doit être apprécié.

Un salarié dont le mandat de membre élu et secrétaire du CHSCT avait expiré le 13 février 2009, a été convoqué le 1er juillet 2009 à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied conservatoire. Toutefois, l’inspection du travail, saisie d’une demande d’autorisation du licenciement, a notifié un refus le 10 septembre 2009. Cette réponse de l’inspection du travail pourrait apparaître comme tardive, les articles R. 2421-4 et R. 2421-11 du code du travail disposant que l’inspecteur doit faire connaître sa réponse dans un délai de quinze jours, réduit à huit jours en cas de mise à pied conservatoire. Dépourvus de sanction juridique, ces délais restent néanmoins peu suivis en pratique. Le salarié a repris le travail le 14 septembre 2009, a été convoqué le même jour à un entretien préalable à son licenciement avec mise à pied conservatoire, puis licencié pour faute grave le 24 septembre suivant. Contestant son licenciement, il a alors saisi une juridiction prud’homale en arguant, d’une part, que les faits qui lui sont reprochés datent d’une période durant laquelle il exerçait encore ses fonctions représentatives et, d’autre part, que ces fautes ont déjà été écartées par l’inspecteur du travail qui a refusé d’autoriser le licenciement.

Les juges du fond retiennent cette argumentation. Ils constatent d’abord « qu’il n’est pas contesté que les faits imputés au salarié aux termes de la lettre de licenciement du 24 septembre 2009 concernent la période faisant l’objet d’une protection et que ces faits sont les mêmes que ceux pour lesquels l’inspecteur du travail a refusé le licenciement ». Ils considèrent ensuite « que si à l’expiration de la période de protection, l’employeur peut licencier un ancien salarié protégé sans avoir à demander l’autorisation de l’inspecteur du travail, c’est à condition que le licenciement ne soit pas prononcé pour des faits antérieurs ayant déjà fait l’objet d’un refus d’autorisation de l’inspecteur du travail et que cette condition n’étant pas respectée en l’espèce, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ».

Mais la Cour de cassation ne retient pas cette solution. Au visa des articles L. 2411-13 et L. 2421-3 du code du travail, elle reproche aux juges du fond de contraindre l’employeur à se soumettre à l’autorisation de l’inspection du travail alors qu’ils ont constaté que la période de protection légale avait pris fin le 13 août 2009, soit avant que l’inspecteur du travail ne rende sa décision. Eu égard à cette circonstance, l’employeur devait en effet retrouver son droit de licencier le salarié sans se soumettre à l’autorisation administrative. La décision de refus de l’inspection du travail en date du 10 septembre ne pouvait dès lors être prise en compte, dans la mesure où le salarié ne bénéficiait déjà plus de protection. Dans le cas inverse, l’issue aurait été plus favorable pour le salarié puisque la Cour de cassation juge de façon constante que « le licenciement, prononcé à l’expiration de la période légale de protection, ne peut légalement être motivé par les faits invoqués devant l’autorité administrative et qui ont donné lieu à une décision de refus d’autorisation du licenciement ».

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