Crim. 14 avr. 2015, F-P+B, n° 14-81.188

En l’espèce, le directeur des ressources humaines d’une société fut licencié pour motif économique le 24 août 2009. Il saisit, peu après, le conseil des prud’hommes en demandant notamment l’octroi d’indemnités pour méconnaissance par l’employeur de son statut de salarié protégé résultant de son élection en décembre 2008 en qualité de conseil prud’homal. La société indiqua avoir ignoré le statut de salarié protégé de cet homme et porta plainte pour tentative d’escroquerie au jugement. Le juge d’instruction rendit une ordonnance de non-lieu, qui fut confirmée par la chambre de l’instruction. L’ordonnance relevait notamment que le délit d’escroquerie est un délit d’action qui nécessite, pour être constitué, des actes positifs et qu’il n’était pas établi que le salarié eut employé des manœuvres pour dissimuler son activité aux yeux de l’entreprise ayant transmis au service comptable des notes de frais afférentes à son mandat prud’homal.

La société forma donc un pourvoi au soutien duquel elle indiquait que ne pas informer son employeur, à l’occasion de son licenciement, de sa qualité de salarié protégé constitue un acte positif de la prise de fausse qualité de salarié non protégé. Dans un bref attendu, la Cour de cassation rejette l’argumentation en affirmant que « l’abstention, par un salarié, d’informer l’employeur de la protection dont il bénéficie, au regard du droit du licenciement, au titre d’un mandat extérieur, ne peut constituer l’usage d’une fausse qualité au sens de l’article 313-1 du code pénal ». Il est acquis, en effet, que les manœuvres frauduleuses constitutives du délit d’escroquerie doivent résider dans des actes positifs, une simple omission étant insuffisante. De fait, le moyen soulevé par la société était axé non sur les manœuvres frauduleuses mais sur la fausse qualité. La qualité au sens du droit pénal peut être appréhendée comme toute particularité ou tout avantage de nature à inspirer confiance entre dans les prévisions du texte. Or la qualité de salarié non protégé est, en réalité, une non-qualité. Le juge d’instruction avait d’ailleurs relevé que « le statut de salarié non protégé ne peut constituer une qualité susceptible de constituer une escroquerie dès lors qu’il ne s’agit que d’un statut par défaut par rapport à celui de salarié protégé ». La position de la Cour de cassation sur ce point, bien que quelque peu péremptoire, paraît parfaitement conforme au texte de l’article 313-1 du code pénal et, partant, au principe de légalité criminelle. Par ailleurs, il convient de relever que la liste des conseillers prud’homaux fait l’objet d’une publication consultable en préfecture que l’employeur aurait pu consulter.

Une telle situation ne devrait néanmoins plus pouvoir se présenter à l’avenir puisque le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a eu l’occasion de préciser en 2012, s’agissant des salariés protégés en raison d’un mandat extérieur à l’entreprise, que les dispositions protectrices « ne sauraient […] permettre au salarié protégé de se prévaloir d’une telle protection dès lors qu’il est établi qu’il n’en a pas informé son employeur au plus tard lors de l’entretien préalable au licenciement ». Dès lors, l’irrespect par l’employeur des dispositions protectrices du salarié protégé lors de son licenciement, lequel irrespect serait lié à l’omission par le salarié de l’informer, ne devrait plus permettre, à l’avenir, au salarié de bénéficier d’indemnités.

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