Com. 2 oct. 2012, F-P+B, n° 11-28.331

La caution qui n’est pas impliquée dans la vie de l’entreprise de son compagnon, débiteur prinicpal, n’est pas une caution avertie, si bien que le créancier professionnel commet une faute en lui faisant souscrire un engagement disproportionné.

En l’occurrence, le cautionnement ayant été conclu en décembre 2002, l’article L. 341-4 du code de la consommation, qui sanctionne le cautionnement disproportionné, ne pouvait trouver à s’appliquer (Cass., ch. mixte, 22 sept. 2006, n° 05-13.517, Bull. civ. n° 7). Aussi convenait-il de se référer aux solutions prétoriennes antérieures à la loi Dutreil n° 2003-721 du 1er août 2003 et tout particulièrement au célèbre arrêt Nahoum : une caution avertie ne saurait se prévaloir d’un manquement au principe de proportionnalité, à moins que le créancier ait eu sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles des informations qu’elle-même aurait ignorées (Com. 8 oct. 2002, n° 99-18.619, Nahoum, Bull. civ. IV, n° 136). A contrario, en présence d’une caution non avertie, le créancier doit s’assurer de la proportionnalité de l’engagement de la caution, sauf à engager sa responsabilité. Le créancier dont s’agit ne sera pas nécessairement un banquier (Civ. 1re, 10 mai 2005, n° 03-14.446) mais il devra être un créancier professionnel (Com. 13 nov. 2007, n° 06-12.284). À cet égard, faisant application de la loi Dutreil, la Cour de cassation a récemment défini le créancier professionnel comme étant celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles (Com. 10 janv. 2012, n° 10-26.630).

Ici, le créancier, fournisseur de lubrifiants, qui avait consenti à son client une avance sur remises, avait bien cette qualité. Et la caution était bel et bien profane. Le créancier eut beau prétendre que la caution avait un intérêt certain à soutenir l’entreprise de son compagnon, entreprise dont les fruits lui permettaient notamment de financer le remboursement du prêt immobilier relatif à la maison et d’entretenir sa famille, la caution était fondée à rechercher sa responsabilité (pour des cas où la caution « intéressée » a été considérée comme avertie, V. not. Com. 25 oct. 2011, n° 10-24.791, Dalloz jurisprudence ; 20 oct. 2009, n° 08-15.891, Dalloz jurisprudence). Fût-elle intéressée par les fruits de l’entreprise, cette dernière ne pouvait être considérée comme avertie, dès lors qu’elle n’était pas impliquée dans la vie de l’entreprise (pour des décisions qualifiant la caution d’avertie en retenant sa participation à la vie de l’entreprise, V. Com. 27 mars 2012, n° 10-20.077). Jamais elle n’avait eu la qualité d’associé ou de conjoint collaborateur (sans pour autant que, là encore, ces qualités suffisent toujours à la considérer comme avertie, V. Com. 11 avr. 2012, préc.). Or son engagement n’était nullement adapté à ses capacités financières : sans emploi et sans revenu au moment de son engagement, elle percevait seulement des allocations familiales pour ses quatre enfants. De surcroît, elle justifiait avoir souscrit un prêt de 475 000 F dont le remboursement devait s’achever en 2011 seulement.

 En définitive, la caution obtient gain de cause. En rejetant le pourvoi, la Cour confirme la condamnation du créancier à indemniser la caution de son préjudice évalué à 20 % de la somme réclamée (perte d’une chance de ne pas s’engager) et la compensation des créances. Simplement, la Cour refuse d’y voir là, pour le fournisseur, la sanction d’un quelconque manquement à un devoir de mise en garde… Une banque peut être tenue d’une telle obligation et, à ce titre, obligée à mettre en garde la caution contre la disproportion entre le montant des dettes cautionnées et ses capacités de paiement (Com. 17 mai 2011, n° 10-14.936). Ici, il est vrai, le créancier n’était pas un établissement de crédit. Encore qu’il se moquera certainement des mots et qualifications, puisque, de toute façon, la décision d’appel n’est pas remise en question.

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