Com. 22 févr. 2017, P+B+I, n° 15-14.915

Par un acte du 1er mars 2007, une banque a consenti à une société un prêt destiné à financer l’acquisition d’un fonds de commerce. Le même jour, deux époux se sont portés cautions solidaires de ce prêt. Un prêt d’équipement a également été consenti à la société par la banque, dans un acte du 24 novembre 2010 garanti par le cautionnement de l’époux, cautionnement auquel l’épouse a donné son consentement exprès en application de l’article 1415 du code civil. La société ayant été, par la suite, mise en redressement puis en liquidation judiciaire, la banque a assigné les cautions en exécution de leurs engagements. Elle obtient gain de cause devant les juges du fond, entraînant un pourvoi en cassation des cautions.

Pour tenter d’échapper à leur engagement au titre de la garantie du premier prêt, les cautions affirment que la banque aurait manqué à son devoir de mise en garde en ne vérifiant pas la rentabilité de l’opération financée par le prêt au regard des documents comptables des précédents propriétaires du fonds.

La Cour de cassation rejette toutefois cet argument. Elle approuve en effet la cour d’appel d’avoir « retenu qu’en s’appuyant sur un dossier prévisionnel basé sur trois exercices (2007 à 2009) dressé par un cabinet d’expertise comptable renommé, la banque avait pu se fonder sur les prévisions d’activité de l’entreprise, en l’absence d’autres éléments de nature à mettre en cause ce document, et en relevant que les mensualités du prêt avaient été honorées jusqu’au début de l’année 2012, ce qui induisait le caractère réaliste des projections de viabilité de l’entreprise à la date du prêt ». Par ailleurs, note la haute juridiction, « les cautions n’alléguaient pas que les documents comptables des précédents propriétaires du fonds, qu’ils ne versaient pas aux débats, attestaient de prévisions irréalistes ».

S’agissant du second prêt, l’époux caution invoque le fait que, conformément à l’article L. 341-4 (devenu art. L. 332-1) du code de la consommation, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. Du reste, prétend-il, le consentement de son épouse au cautionnement n’autorise pas davantage le créancier professionnel à se prévaloir d’un engagement manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution. Ceux de l’épouse n’auraient par ailleurs pas dû être pris en considération pour apprécier le caractère disproportionné du cautionnement.

Là encore, la Cour de cassation donne cependant raison aux juges du fond : « le consentement exprès donné en application de l’article 1415 du code civil par un époux au cautionnement consenti par son conjoint ayant pour effet d’étendre l’assiette du gage du créancier aux biens communs, c’est à bon droit que la cour d’appel a apprécié la proportionnalité de l’engagement contracté par [l’époux], seul, tant au regard de ses biens et revenus propres que de ceux de la communauté, incluant les salaires de son épouse ».

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