Com. 28 janv. 2014, F-P+B, n° 12-27.703

Pour espérer échapper au paiement, la caution recourt parfois au droit commun de la responsabilité civile.

Elle peut invoquer une faute commise à son égard : ici, le dol par réticence de l’établissement de crédit pour lui avoir délibérément dissimulé la situation irrémédiablement compromise de la société cautionnée. Encore faut-il, cependant, que la caution ait ignoré cette situation, ce qui n’est pas le cas de la caution, qui, du fait de ses qualités et fonctions, en avait nécessairement connaissance lors de son engagement, sauf à démontrer que la banque avait sur la société débitrice des informations qu’elle ignorait. Ce que n’avait nullement établi, en l’espèce, le président du conseil d’administration et dirigeant de plusieurs entités juridiques du groupe auquel appartenait la société cautionnée, totalement impliqué dans l’opération de restructuration financière qu’il avait lui-même proposée à la banque.

La caution peut également invoquer la faute commise à l’égard du débiteur au titre de l’octroi abusif du crédit. La nature de la responsabilité du créancier, délictuelle ou contractuelle, semble assez incertaine. L’auteur Jérôme François relève qu’« a priori, la faute de la banque est extérieure au contrat de cautionnement. Elle s’analyse en un manquement au devoir général de prudence imposé par l’article 1382 du code civil, ce dont il résulte que la banque engage sa responsabilité délictuelle envers la caution. Toutefois, il n’est pas impossible de rattacher la faute commise par le banquier au contrat de cautionnement. Celui-ci doit être exécuté de bonne foi, ce qui impose que le créancier ne compromette pas les intérêts de la caution. En octroyant inconsidérément du crédit au débiteur […], l’établissement de crédit manque à cette obligation. Dans cette optique, la responsabilité du banquier doit être considérée comme contractuelle ». C’est d’ailleurs, en général, la responsabilité contractuelle qui est retenue en jurisprudence. Seulement, les cautions considérées comme averties sont privées de la possibilité d’invoquer l’octroi abusif de crédit. Aussi, la caution, qui ne contestait pas sa qualité de « caution avertie » a-t-elle ici tenté de se placer non sur le terrain de l’article 1147 du code civil mais sur celui de l’article 1382 en faisant valoir que, tiers au contrat, elle pouvait invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui avait causé un préjudice distinct et personnel à raison de la mise en œuvre des garanties consenties ensuite de la procédure collective de la société. Par conséquent, selon elle, sa qualité de caution avertie, tirée de son rapport contractuel avec la banque, ne pouvait être prise en compte. Une subtilité qui ne parviendra pas à convaincre la Cour de cassation : la caution avertie ne saurait rechercher la responsabilité de la banque à raison de la faute commise par celle-ci lors de l’octroi du crédit. Le fondement, délictuel ou contractuel, importe peu.

Pour finir, la Cour rappelle que l’établissement de crédit, qui a fautivement retardé l’ouverture de la procédure collective de son client, n’est tenu de réparer que l’aggravation de l’insuffisance d’actif qu’il a ainsi contribué à créer, à l’exclusion de tout autre préjudice. Causalité du préjudice oblige…

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