Soc. 24 avr. 2013, FS-P+B, n° 11-28.398

Par la présente décision la Cour de cassation poursuit son œuvre en matière de lutte contre les dérives potentielles que comporte le recours aux conventions de forfaits en jours. Ce mécanisme issu de la loi Aubry II permet de rémunérer certains salariés (les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés et les salariés qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps ; C. trav., art. L. 3121-42) en fonction du nombre de jours annuellement travaillés, sous réserve que les durées maximales de travail quotidienne et hebdomadaire soient respectées. La Cour de cassation a en effet récemment affirmé que toute convention de forfait-jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires. Elle en a déduit que l’inobservation des stipulations de l’accord collectif, dont le respect est de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié soumis au régime du forfait en jours, prive d’effet la convention de forfait et ouvre ainsi droit pour le salarié au paiement d’heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre.

Après avoir estimé que les stipulations de l’accord-cadre du 8 février 1999 sur l’organisation et la durée du travail dans l’industrie chimique ne sont pas de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié, la chambre sociale porte la même appréciation sur les dispositions de l’article 4 de l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, pris en application de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 (SYNTEC) ainsi que sur les stipulations des accords d’entreprise conclus à cet effet dans l’affaire ayant donné lieu à la décision ici présentée. La solution apportée par la Cour est claire. Loin de condamner définitivement le recours au forfait en jours en application de la convention SYNTEC et de l’accord relatif à la durée du travail de 1999, elle rappelle qu’il appartient aux partenaires sociaux, au niveau des entreprises, de suppléer les manques constatés dans le texte conventionnel de 1999. La chambre sociale a en effet déjà indiqué que « les modalités de décompte des journées et demi-journées travaillées et de repos ainsi que de contrôle et de suivi du forfait sont exposées aux chapitres 5 et 7 de l’accord national du 22 juin 1999 et que les imprécisions que peut comporter cet accord du fait de sa rédaction antérieure aux dispositions de la loi du 19 janvier 2000, seront comblées par des accords d’entreprise ainsi que le prévoit le chapitre 7 » du même texte.

Les conséquences à tirer de l’arrêt sont donc simples et au moins au nombre de deux. La première concernera les employeurs dont l’accord d’entreprise ne répond pas aux exigences jurisprudentielles précitées : les conventions de forfaits en jours étant nulles, il sera fait application du cadre légal de droit commun et les salariés pourront obtenir le paiement des heures supplémentaires effectuées (C. trav., art. L. 3171-4). La seconde porte sur la nécessaire vérification du contenu des accords d’entreprises, voire de leur révision en cas d’absence de mesures conformes au droit en vigueur. Il sera enfin avancé qu’une révision de l’accord national du 22 juin 1999 pourrait opportunément donner lieu à sa mise en conformité.

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