Soc. 25 sept. 2013, FS-P+B, n° 12-13.267

Le présent arrêt illustre les difficultés liées à la pluralité des dispositions applicables en matière de durée du travail. Ces difficultés se posent avec davantage d’acuité en matière de transport dans la mesure où, d’une part, les durées maximales de travail sont différentes pour chaque catégorie de personnel selon le type de transport routier et, d’autre part, les dispositions relatives à la durée du travail se situent tant dans le code du travail que dans le code des transports, dans le décret n° 83-40 du 26 janvier 1983, dans la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires du transport, et dans les éventuels accords collectifs d’entreprise et d’établissement. Au cas précis, la difficulté est relative à la charge de la preuve. La question posée par la pratique de l’employeur en cause reposait sur le dispositif d’un usage d’entreprise incluant dans la rémunération des chauffeurs des indemnités lorsque l’amplitude maximum réglementaire de droit commun de douze heures, était portée à treize heures, voire à quatorze heures par jour. L’autre enseignement de cet arrêt a trait aux conditions de dérogation à la durée maximale journalière de travail.

En l’espèce, un salarié conducteur de bus saisissait la juridiction prud’homale, estimant avoir subi un préjudice du fait de manquements de l’employeur à ses obligations légales et conventionnelles en matière de durée du travail. Les seconds juges déboutent le salarié de sa demande en indemnisation au titre du dépassement de l’amplitude journalière maximale de travail aux motifs que l’application de l’entreprise consistant à indemniser les dépassements d’amplitude était plus favorable au salarié. Le salarié demandeur était, par conséquent, mal fondé à prétendre à une nouvelle indemnisation. Devant la Cour de cassation, le salarié débouté en appel développe deux moyens sur le fondement du droit de l’Union européenne et des dispositions nationales qui méritent attention.

Tout d’abord, à l’appui des dispositions de l’accord aménagement et réduction du temps de travail pris en application de la convention collective nationale des transports routiers, le salarié soutient que son employeur n’a pas recueilli l’avis préalable des instances représentatives du personnel ni l’autorisation de l’inspection du travail au dépassement de l’amplitude maximale journalière, lui causant, dès lors, un préjudice qu’il convient de réparer. La Cour de cassation suit cette argumentation au motif qu’un simple usage d’entreprise ne saurait déroger ni au régime de la consultation des instances représentatives du personnel ni à l’autorisation de l’inspection du travail. La Cour aurait pu rappeler également les dispositions de l’article L. 2323-27 du code du travail qui disposent que « le comité d’entreprise est informé et consulté sur les problèmes généraux intéressant les conditions de travail résultant de l’organisation du travail, de la technologie, des conditions d’emploi, de l’organisation du temps de travail, des qualifications et des modes de rémunération. À cet effet, il étudie les incidences sur les conditions de travail des projets et décisions de l’employeur dans les domaines mentionnés au premier alinéa et formule des propositions ».

Ensuite, s’agissant de la charge de la preuve du respect des seuils et plafonds des durées maximales de travail journalier, la Cour précise que les dispositions de l’article 1315 du code civil et de l’article L. 3171-4 du code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l’employeur et le salarié ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne, qui incombe seulement à l’employeur. Cette solution se fait l’écho d’arrêts antérieurs, dans lesquels la Cour avait rappelé le principe applicable à l’ensemble des prescriptions concernant les seuils et plafonds fixés par la directive n° 2003/88/CE du 4 novembre 2003 succédant à la directive 93/104/CE du 23 novembre 1993. Précisément, pour la Cour, les « dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l’employeur et le salarié ne sont applicables ni à la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne ni à la preuve de ceux prévus par les articles L. 3121-34 et L. 3121-35 du code du travail, qui incombe à l’employeur » (Soc. 20 févr. 2013, n° 11-28.811, Dalloz actualité, 26 mars 2013, obs. J. Siro).

Cette solution ne peut être qu’approuvée eu égard à la finalité des dispositions du droit de l’Union européenne relatives aux durées maximales de travail qui est de fixer des prescriptions minimales pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés. Rappelons également l’article L. 4121-1 du code du travail, qui énonce que l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés. Cet arrêt s’inscrit dans cette nouvelle approche de la chambre sociale consistant à interpréter de façon extensive l’obligation de l’employeur à assurer la protection de la sécurité et de la santé de ses salariés. Dès lors, l’employeur doit non seulement respecter les obligations pesant sur lui en matière de repos mais aussi démontrer, en cas de litige, qu’il a satisfait effectivement à ses obligations en matière de repos journalier.

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