Soc. 17 oct. 2012, FS-P+B, n° 11-24.315

L’article L. 3132-29 du code du travail, dont les dispositions tendent à préserver la concurrence entre les établissements d’une même profession, n’a ni pour objet ni pour effet de déroger au principe fondamental du repos dominical.

Lorsqu’un accord est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et celles d’employeurs d’une profession et d’une zone géographique déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés, le préfet peut, par arrêté, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la zone géographique concernée pendant toute la durée de ce repos (C. trav., art. L. 3132-29). La règle présente des difficultés, d’une part, de mise en œuvre car des magasins exercent de multiples activités couvrant une ou plusieurs de celles visées par l’interdiction et, d’autre part, de contestation, puisque, bien souvent, c’est l’application et le champ visé par l’arrêté qui est critiqué par les entreprises souhaitant échapper à la fermeture. La Cour de cassation a eu à connaître d’une espèce où plusieurs sociétés exploitant des grandes surfaces d’alimentation contestaient leur soumission à un arrêté, pris en application d’un accord conclu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs dans le domaine de l’alimentation générale, de l’épicerie, de la crémerie, du fromage, des fruits et légumes et des liquides à emporter et imposant aux établissements ou parties d’établissement vendant au détail ces produits susvisés leur fermeture soit le dimanche, soit le lundi toute la journée, cette fermeture impliquant le repos du personnel salarié.

C’est l’occasion, pour la Cour, de rappeler sa jurisprudence. Elle décide, d’abord, qu’exercent la même profession au sens des dispositions de l’article L. 3132-29 du code du travail les établissements dans lesquels s’effectue, à titre principal ou accessoire, la vente au détail de produits alimentaires. Elle relève, en l’espèce, que l’activité prédominante des sociétés était la vente au détail de produits alimentaires, laquelle entrait dans le champ d’application de l’arrêté préfectoral qui, en visant tous les établissements ou parties d’établissements vendant au détail de l’alimentation générale, était conçu en termes généraux. Elle reprend ainsi une solution acquise depuis longtemps, puisque, sauf à ce que l’arrêté se réfère à des commerces ou renvoie à l’activité principale de l’entreprise, les magasins dits de commerces multiples doivent voir tout ou partie de leurs activités, concernées par l’arrêté, fermées.

La Cour rappelle, ensuite, la faculté offerte d’invoquer devant le juge judiciaire l’exception d’illégalité de l’arrêté en cause. Elle précise, ce faisant, qu’il revient à celui qui s’en prévaut d’établir soit l’absence d’une majorité incontestable des professionnels concernés en faveur de l’accord sur lequel est fondé l’arrêté, soit que l’absence de consultation d’une organisation d’employeurs a eu une incidence sur la volonté de la majorité des employeurs et salariés concernés par l’accord. La solution fait ici directement écho à la nécessité pour l’accord, sur la base duquel l’arrêté préfectoral est pris, de correspondre à la volonté de la majorité indiscutable de tous ceux qui exercent la profession à titre principal ou accessoire et dont l’établissement est susceptible d’être fermé.

Mais la réelle nouveauté de cet arrêt réside dans l’arbitrage qui est opéré entre l’article L. 3132-29 du code du travail et l’article L. 3132-3 du même code qui fixe, par principe, le repos hebdomadaire le dimanche. En l’espèce, l’arrêté laissait aux employeurs le choix de fermer leur établissement le dimanche ou le lundi. Si la deuxième branche de l’alternative devait être choisie, cela impliquait-il un déplacement du repos hebdomadaire le lundi ou fallait-il en déduire que le personnel de l’établissement devait ne pas travailler le dimanche et le lundi ? Selon la Cour, l’article L. 3132-29 du code du travail, dont les dispositions tendent à préserver la concurrence entre les établissements d’une même profession, n’a ni pour objet ni pour effet de déroger au principe fondamental du repos dominical, pour lequel les seules dérogations possibles sont celles prévues par la loi au sein de la section 2 du chapitre II du titre III du livre premier de la troisième partie du code du travail. La fixation d’un jour de fermeture des établissements d’une profession ou d’une zone géographique donnée, laquelle correspond à un jour de repos hebdomadaire, ne peut donc priver les salariés de leur repos dominical, conduisant ainsi à ce que ceux-ci bénéficient de deux jours de repos. La décision est parfaitement logique, dans la mesure où les seules dérogations prévues par la loi au repos dominical figurent aux articles L. 3132-12 à L. 3132-27 du code du travail. Ce qui étonne, en revanche, est que la Cour, au lieu de se réfugier derrière l’interprétation stricte des exceptions, élève, pour la première fois, le repos dominical au rang de principe fondamental. L’explication est peut-être à trouver dans une décision du Conseil constitutionnel, qui, s’il avait refusé de donner valeur constitutionnelle à ce repos, lui attribuait la valeur d’un principe fondamental du droit du travail au sens de l’article 34 de la Constitution (Cons. const., 6 août 2009, n° 2009-588-DC [cons. 3]). Cela permet au fond de renforcer la prévalence de l’article L. 3132-3 du code du travail sur l’article L. 3132-29 du même code qui avait pourtant été considéré comme contribuant à la poursuite de principes constitutionnels. 

Auteur : Éditions Dalloz - Tous droits réservés.