Soc. 15 janv. 2014, FS-P+B, n° 12-19.472

 

Par cet arrêt, la chambre sociale accueille le pourvoi formé par un salarié qui, d’une part, demandait une somme à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires et, d’autre part, contestait l’arrêt d’appel l’ayant condamné au remboursement des sommes versées correspondant à la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.

S’agissant d’abord du premier moyen, le salarié avançait l’argumentation selon laquelle, en raison de ses activités d’ingénieur commercial, il était amené à travailler entre dix et onze heures par jour. L’intéressé produisait à l’appui de sa demande des attestations de collègues de travail en ce sens. Débouté en appel au motif que ces attestations étaient « insuffisamment probantes », le salarié soutenait devant la Cour de cassation que cette décision avait pour effet de faire uniquement peser sur lui la charge de la preuve. À cette argumentation, la Cour de cassation répond par la négative. Ainsi rappelle-t-elle « qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié d’étayer sa demande par la production d’éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l’employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ». Or, relève la chambre sociale, les attestations des collègues du requérant ne suffisent pas ici à prouver les horaires effectivement réalisés puisqu'elles ne font pas état de faits directement constatés. Cela aurait en effet supposé que les salariés ayant témoigné effectuaient bien les mêmes horaires.

Il est certes de jurisprudence constante que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, ce dernier étant censé fournir préalablement au magistrat des éléments de nature à étayer sa demande. Toutefois, aucune disposition de nature législative ou réglementaire, ni même la Cour de cassation n’apporte de précisions quant à la teneur des éléments de preuve devant être versés au débat par le salarié.

Les juges ont déjà admis qu’un « décompte établi au crayon, calculé mois par mois, sans autre explication ni indication complémentaire » suffisait à étayer la demande du salarié. Ainsi, le simple chiffrage, à condition qu’il soit précis, est suffisant. Cependant, la chambre sociale a considéré dans d’autres arrêts qu’un décompte récapitulatif établi mois par mois du nombre d’heures était insuffisant. La Cour de cassation contrôle simplement que les indices apparaissent comme « suffisants » pour inverser la charge de la preuve et n’exige plus de la part des juges du fond de préciser le détail du calcul appliqué ni même le nombre d’heures supplémentaires retenues ; elle s’en remet à leur appréciation souveraine. Les Hauts magistrats ont déjà considéré que les attestations versées par le salarié étaient suffisantes.

Ainsi, envisagés d’un point de vue pratique, les éléments que doit apporter le salarié à l’appui de sa demande peuvent se réduire à quelques indices mais ceux-ci doivent s’avérer dépourvus de toute approximation. S’il ne peut donc être reproché au salarié de n’avoir pas rapporté la preuve irréfutable du décompte d’heures de travail réellement effectuées - l’employeur est, en effet, tenu d’établir les documents nécessaires pour ce décompte -, il lui revient d’être suffisamment précis.

Quant au second moyen, la Cour de cassation s’inscrit dans le sillage de sa jurisprudence selon laquelle le versement d’une indemnité mensuelle avant la rupture du contrat de travail est une cause d’annulation de la clause de non-concurrence. Il est en effet largement acquis que l’employeur ne peut pas prévoir une majoration de salaire en guise de contrepartie financière à la clause de non-concurrence. Par conséquent, la seule modalité possible est un versement après la rupture du contrat de travail. A défaut, la clause de non-concurrence sera considérée comme nulle et l’employeur ne pourra pas obtenir la restitution des sommes versées à ce titre.

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