Crim. 14 avr. 2015, F-P+B, n° 14-83.267

La durée du travail est strictement encadrée et fait l’objet de contrôles par l’inspecteur du travail. Pour permettre ce contrôle, l’employeur a l’obligation de tenir à la disposition de l’inspecteur du travail les documents qui concernent la durée du travail de ses salariés. S’agissant des salariés soumis à un horaire collectif, l’employeur est tenu d’afficher cet horaire dans chaque lieu de travail. L’horaire doit préciser, d’une part, les heures auxquelles débutent et finissent les périodes de travail et, d’autre part, les pauses prévues. Chaque modification de cet horaire doit faire l’objet d’une transmission à l’inspecteur du travail. Pour ce qui est des salariés non soumis à un horaire collectif, l’employeur doit tenir deux documents. Il doit dresser un décompte quotidien individuel et établir un récapitulatif hebdomadaire du nombre d’heures effectué par chaque salarié par tout moyen.

Dans ces différents cas, l’employeur est toujours tenu de mettre à disposition de l’inspecteur du travail ces documents au risque d’être l’auteur d’un délit d’obstacle qui est pénalement sanctionné par une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à un an et une amende de 3 750 € (C. trav., art. L. 8114-1). L’élément intentionnel est aisément reconnu dès lors que l’élément matériel est accueilli avec une certaine largesse. Il ne s’agit pas, en effet, de caractériser le délit d’obstacle en cas de refus délibéré par l’employeur de communiquer les documents demandés par l’inspecteur du travail. C’est la non-présentation à l’inspecteur du travail d’un document du temps de travail, dont l’établissement est obligatoire, qui est susceptible de caractériser le délit. Se pose alors une interrogation relative à l’élément intentionnel : est-ce que le seul fait de s’être placé dans l’impossibilité de produire le document exigé suffit à caractériser le délit d’obstacle ou faut-il admettre que l’employeur a eu l’intention de tromper l’inspecteur du travail ?

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt rapporté, l’inspecteur du travail a, à la suite d’un contrôle de l’application des dispositions relatives à la durée et à l’aménagement du temps de travail réalisé dans l’exploitation agricole de l’employeur, constaté le défaut d’enregistrement ou d’affichage des heures de travail et lui a rappelé par courrier ses obligations en la matière. L’exploitant ne donnant aucune réponse aux courriers de l’inspecteur du travail, ce dernier a effectué une contre-visite de l’exploitation. Reçu par le salarié en raison de l’absence de l’exploitant, l’inspecteur constatait une nouvelle fois que les horaires n’étaient ni affichés, ni enregistrés. Le fonctionnaire estimant qu’il était mis dans l’impossibilité de contrôler et de vérifier la réalité du temps de travail, a établi un procès-verbal du chef d’obstacle. Déclaré coupable du délit d’obstacle en première instance, l’exploitant a interjeté appel de cette décision. La cour d’appel relaxera le chef d’entreprise en retenant que si l’intéressé a commis une infraction de défaut d’enregistrement, de consignation ou d’affichage des horaires de travail, il n’a ni opposé un refus ni produit des éléments faux, mais a agi par méconnaissance des règles administratives, incompétence et éventuellement négligence fautive, de sorte que l’intention coupable du délit d’obstacle n’est pas constituée.

Toutefois, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel pour reconnaître au contraire que le prévenu avait fait l’objet de rappels réitérés d’avoir à satisfaire à ses obligations afin de permettre le contrôle de l’application des dispositions relatives à la durée et à l’aménagement du temps de travail dans l’exploitation agricole qu’il dirigeait, a empêché volontairement l’inspecteur du travail de contrôler l’application des dispositions relatives à la durée du travail et à l’aménagement du travail.

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